Incident grave entre les avions BEECH 200 immatriculés F-HNAV et F-HCEV survenu le 17/04/2019 à proximité du Bourget (93)
Deux pertes de séparation consécutives entre deux avions, en vol de calibration de moyens de radionavigation
Rapport d'Enquête cat.2 : rapport de format simplifié, adapté aux circonstances de l'événement et aux enjeux de l'enquête.
Le Beech 200 immatriculé F-HCEV a réalisé un vol de calibration au départ de l’aérodrome Paris-Le Bourget ayant pour objectif principal la mise en service du nouveau DME associé au VOR de l’Aigle (LGL) situé à 75 NM à l’ouest. Sur son trajet, l’équipage devait également contrôler une radiale utilisée dans la procédure de départ standard (SID) de la piste 21 de cet aérodrome.
Le Beech 200 immatriculé F-HNAV a réalisé le même jour un vol de calibration ayant pour objectif la calibration des deux nouveaux ILS de la piste 08R/26L de l’aérodrome Paris-Charles de Gaulle (95).
Les équipages de ces deux vols étaient constitués d’un commandant de bord et d’un copilote de l’ENAC qui est l’exploitant réalisant ces vols de calibration. Le suivi des mesures de calibration a été réalisé par un contrôleur en vol de la DSNA situé à l’arrière, dans la cabine.
Le programme de vol du F-HCEV prévoyait une calibration de la radiale 086 du VOR de LGL en suivant la procédure de départ standard (SID 21), puis une poursuite vers le VOR de LGL. Cette calibration n’était donc pas considérée par les contrôleurs aériens comme une activité pouvant interférer avec le programme de calibration de l’équipage du F-HNAV, en cours au moment de l’événement.
Lors de la préparation du vol, le contrôleur en vol a tracé cette radiale sur une carte aéronautique. Le tracé manuel faisait passer la radiale 086 au nord de la zone interdite P23 correspondant à la ville de Paris et semblait cohérent avec le trajet du SID 21. Les deux pilotes n’ont donc pas vérifié le tracé du contrôleur en vol. L’enquête a montré qu’il y avait une erreur dans la procédure publiée et que la radiale 086 traversait la zone interdite P23 et n’était donc pas cohérente avec la procédure publiée.
Avant le décollage, l’équipage du F-HCEV a inséré le SID 21 et la radiale 086 dans le FMS de l’avion et a affiché les espaces aériens. Le niveau de zoom du MFD n’a pas permis à l’équipage de visualiser où passait cette radiale et d’identifier l’incohérence. Une telle vérification n'ayant pas été faite, elle n'a pas permis à l'équipage de détecter que la mesure n'était pas possible.
L’équipage du F-HCEV a décollé de la piste 21, est monté dans l’axe en suivant le SID 21, puis a viré à droite pour prendre le cap 270 donné par le contrôleur aérien. Au cours de la montée initiale, le commandant de bord du F-HCEV a dé-zoomé l’affichage du MFD et a constaté que la radiale insérée dans le FMS se situait plus au sud qu’attendu et passait dans la zone interdite P23.
Le contrôleur en vol n’avait pas la possibilité d’afficher les espaces aériens ni le SID 21 sur les écrans du système de calibration. Il n’avait donc pas la même représentation de la situation que les pilotes du F-HCEV et pour lui, la radiale ne pouvait pas passer dans Paris.
Après des échanges entre les pilotes et le contrôleur en vol du F-HCEV, l’équipage a demandé au contrôleur aérien de prendre un cap au sud pour tenter de rejoindre la radiale 086. En réponse, le contrôleur aérien a donné l’instruction de longer le périphérique à vue et de prendre le meilleur cap pour débuter la mesure, pensant que l’équipage poursuivrait sa route vers l’ouest. En effet, pour le contrôleur il s’agissait d’un départ standard avec une mesure de calibration lors du passage sur le SID, il s’attendait donc avant tout à un respect du SID.
L’instruction du contrôle a été interprétée différemment par le commandant de bord du F-HCEV qui a fait un demi-tour par la gauche pour rejoindre le début de mesure, se retrouvant alors face à l’est, en trajectoire convergente avec le F-HNAV situé derrière lui. Un avis de résolution TCAS s’est déclenché malgré les instructions d’évitement données aux deux équipages par le contrôleur aérien.
L’équipage du F-HCEV a ainsi donné la priorité à la réalisation de la mesure, quitte à s’écarter du SID. Il est également possible que le passage d’un mode de navigation consistant à suivre une procédure standard à l’aide des instruments de bord à un mode de navigation nécessitant l’acquisition et le suivi de repères au sol ait pu perturber l’équipage.
Après ce premier rapprochement, le contrôleur aérien a guidé l’équipage du F-HCEV pour qu’il se présente face à l’ouest avec la trajectoire du SID 21 devant lui et a de nouveau donné à l’équipage l’instruction de suivre le périphérique à vue pour rejoindre le début de mesure. L’équipage du F‑HCEV a alors confondu le périphérique avec une autre voie rapide située devant eux. Cette confusion a pu être favorisée par l’existence d’un repère visuel similaire devant l’avion au moment où le contrôleur a donné cette instruction.
Le suivi de ce repère visuel a amené l’équipage à prendre une route au nord-ouest, les rapprochant à nouveau du F-HNAV. L’équipage n’a pas identifié qu’une route au nord-ouest n’était pas compatible avec le suivi du périphérique. Pour le copilote, l’essentiel était de ne pas se rapprocher de la zone interdite P23.
Pendant cette phase de cheminement à vue, qui a duré environ 1 min 30, l’équipage du F-HCEV a douté du repère à suivre mais ne s’est pas manifesté auprès des contrôleurs aériens qui, de leur côté, n’ont pas compris pourquoi l’équipage partait au nord-ouest et n’ont pas contacté l’équipage pour lever le doute.
À l’issue du deuxième rapprochement, le comportement du F-HCEV a paru suffisamment erratique au contrôleur aérien pour qu’il demande à l’équipage d’interrompre la calibration et de revenir se poser sur l’aérodrome du Bourget. Après plusieurs échanges avec les contrôleurs aériens, l’équipage du F-HCEV a finalement poursuivi son programme de mesure vers le VOR de LGL.
Le BEA émet 1 recommandation de sécurité:
- Recommandations FRAN-2021-003 / Clairance du contrôle pour les vols de calibration:
L’enquête a mis en évidence que dans la pratique du contrôle des vols de calibration, des clairances basées sur du cheminement à vue peuvent être données aux équipages. Ce type d’instruction n’est pas compatible avec des vols de calibration réalisés en régime IFR et peut introduire des risques supplémentaires.
Par conséquent, le BEA recommande que :
- considérant que lors des vols de calibration réalisés en régime IFR, seules les clairances conformes à ce régime de vol sont autorisées ;
- considérant que les contrôleurs aériens ne sont pas en mesure de savoir si un équipage peut effectivement voir un repère au sol donné ;
- considérant qu’un équipage peut se tromper de repère au sol et cheminer à vue le long d’un repère erroné ;
- considérant qu’une instruction basée sur du cheminement à vue introduit un risque d’incompréhension entre le contrôleur et l’équipage ;
- la DSNA s’assure que les clairances données par les contrôleurs aériens aux équipages lors de vols de calibration en régime IFR soient conformes à l’ensemble des règles régissant les vols IFR.
Le suivi de cette recommandation est en cours
Suivi disponible sur ECCAIRS (European Coordination Centre for Accident and Incident Reporting Systems): cliquez ici
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Rappel : conformément aux dispositions de l’article 17.3 du règlement n° 996/2010 du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 sur les enquêtes et la prévention des accidents et des incidents dans l’aviation civile, une recommandation de sécurité ne constitue en aucun cas une présomption de faute ou de responsabilité dans un accident, un incident grave ou un incident. Les destinataires des recommandations de sécurité rendent compte à l’autorité responsable des enquêtes de sécurité qui les a émises, des mesures prises ou à l’étude pour assurer leur mise en œuvre, dans les conditions prévues par l’article 18 du règlement précité.