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Incident grave survenu à l'Embraer ERJ170 immatriculé F-HBXK exploité par Hop! et à l'Airbus A320 immatriculé OO-SNE exploité par Brussels Airlines le 21/10/2020 à Paris-Charles de Gaulle (95)

Alarme Windshear en approche finale, déviation de trajectoire lors de l'approche interrompue, rapprochement anormal avec un avion au décollage sur piste parallèle, avis de résolution TCAS

Autorité en charge

France - BEA

Progression de l'enquête Cloturée
Progress: 100%

Les opérations d’atterrissage et de décollage sur l’aéroport Paris-Charles de Gaulle se déroulaient sur le doublet sud, dans des conditions météorologiques particulières, avec un fort vent traversier et des turbulences modérées à sévères sous 1 500 ft.

L’ERJ170 était à 500 ft en courte finale sur la piste 26L lorsque l’équipage de l’A320 a été autorisé à décoller en piste 26R.

À une hauteur de 200 ft, une alarme Windshear s’est déclenchée à bord de l’ERJ170. L’équipage a appliqué la procédure associée à cette alarme, en interrompant l’approche et en maintenant les ailes à plat.

Après huit secondes, alors que l’ERJ170 passait 580 ft en montée, l’alarme Windshear s’est arrêtée. L’équipage a identifié la fin de situation de cisaillement de vent alors que l’avion passait 1 000 ft, onze secondes après la fin de l’alarme. L’équipage a poursuivi la procédure en maintenant les ailes à plat huit secondes de plus, jusqu’à une altitude de 1 500 ft, en application des consignes opérationnelles de l’exploitant pour l’ERJ170 (voir § 2.3.3 note 5). Il a ensuite informé le contrôleur du cisaillement de vent et de la remise de gaz.

En raison de l’application de la procédure Windshear et du fort vent de travers, l’ERJ170 a dérivé vers le nord se rapprochant de l’A320 au décollage de la piste 26R.

Le contrôleur a cherché à résoudre le conflit en utilisant la phraséologie d’urgence pour ordonner à l’ERJ170 de tourner au cap 240°, une dizaine de secondes après l’information de remise de gaz de l’ERJ170. L’équipage a collationné, mais la demande d’altération de cap du contrôleur n’a pas été suivie. En effet, en application de la procédure TCAS, l’équipage a interrompu le virage alors qu’il passait le cap 250° et sa route s’est orientée au 263°. L’équipage de l’ERJ170 n’a pas informé le contrôleur immédiatement de l’avis de résolution TCAS en raison de l’occupation de la fréquence.

Le contrôleur a ensuite demandé à l’équipage de l’A320 d’arrêter sa montée, sans utiliser la phraséologie d’urgence. Celui-ci lui a répondu en l’informant qu’il était en train de suivre un avis de résolution de son TCAS.

L’équipage de l’ERJ170 a alors informé de manière ambiguë qu’il avait également eu un avis de résolution TCAS.

Les équipages ont suivi l’ordre de l’avis de résolution fourni par leur système TCAS respectif. La séparation minimale atteinte au cours de l’incident a été de 0,09 NM et 460 ft.

Aucun des équipages n’a informé le contrôleur de la fin de l’avis de résolution TCAS respectif, en utilisant le message standard établi par les règles de phraséologie. L’utilisation du passé dans le message non standard de l’équipage de l’ERJ170, « on a eu un TCAS aussi », a pu faire croire au contrôleur que l’avis de résolution était terminé. Le contrôleur a alors donné des ordres aux équipages malgré l’avis de résolution en cours.

Le BEA émet 3 recommandations de sécurité:

- Recommandations FRAN-2023-013 et FRAN-2023-014 / Risque de rapprochement anormal en cas de remise de gaz lors d’opérations parallèles spécialisées en prenant en compte le cas d’un aéronef qui applique une procédure Windshear et les situations de fort vent traversier :

La distance entre les axes de piste du doublet sud de l’aéroport Paris-Charles de Gaulle est inférieure à la valeur minimum entre les axes de piste établie par le RCA dans le cas des opérations parallèles spécialisées.

Toutefois, cette règlementation prévoit que des pistes parallèles dont la distance entre axes est inférieure à cette valeur peuvent être mises en service simultanément sous réserve d’approbation par l’autorité compétente des services de la circulation aérienne d’une étude tenant compte de la géométrie du dispositif de piste et des moyens de contrôle associés.

Le BEA n’a pas connaissance d’une étude qui ait pris en compte le risque combiné associé au cas d’un aéronef qui interrompt l’approche en raison d’une alarme de cisaillement de vent et d’une situation météorologique de fort vent traversier lorsque les opérations spécialisées ont été mises en place à Paris-Charles de Gaulle.

En raison de la mise en application en mars 2022 de l’exigence ATS.TR.255 du règlement (UE) 2017/373 établissant des exigences communes relatives aux prestataires de services de gestion du trafic aérien et de services de navigation aérienne, la Direction des Services de la Navigation Aérienne (DSNA) a présenté le dossier de moyen de conformité alternatif (AltMOC) 2022/06/21-IR ATM/ANS-AMOC FR n° 015 pour démontrer un niveau de sécurité équivalent dans la configuration de piste particulière de Paris-Charles de Gaulle. Ce dossier a été approuvé en juin 2022 par la Direction de la Sécurité de l’Aviation Civile (DSAC).

Les arguments de démonstration de conformité présentés dans l’AltMOC de la DSNA sont mis en défaut par cet événement dans le cas particulier d’une interruption de l’approche en raison d’une situation de cisaillement de vent.

Dans une telle situation, en raison de l’application de la procédure opérationnelle, l’équipage doit maintenir les ailes à plat et la trajectoire de l’aéronef dans le plan horizontal dépend des conditions environnantes. En raison du fort vent de travers, la trajectoire de l’aéronef est déviée de la trajectoire de remise de gaz publiée. Cette déviation de trajectoire peut résulter en une perte de séparation avec un trafic au décollage sur la piste parallèle. Cette situation peut devenir critique lorsque l’espacement entre les pistes est inférieur aux normes prescrites par l’OACI et le règlement européen.

Le BEA a mis en évidence au moins trois événements de perte de séparation survenus au cours des cinq dernières années, présentant des facteurs similaires.

En conséquence, le BEA recommande que :

  • considérant que lors de l’application d’une procédure Windshear, l’équipage doit maintenir les ailes à plat et ne peut pas répondre à une éventuelle instruction de guidage latéral du contrôleur ;
  • considérant que les arguments de démonstration de conformité présentés dans le dossier de moyen de conformité alternatif (AltMOC) 2022/06/21-IR ATM/ANS-AMOC FR n°015 pour démontrer un niveau de sécurité équivalent dans la configuration de piste particulière de Paris-Charles de Gaulle sont mis en défaut dans le cas particulier d’une interruption de l’approche en raison d’une situation de cisaillement de vent ;

la DSNA révise la démonstration de conformité à l’exigence règlementaire ATS.TR.255 du règlement (UE) 2017/373, en particulier le point relatif à la distance minimum entre axes de pistes et la divergence entre les trajectoires de départ et de remise de gaz pour des opérations parallèles spécialisées, pour qu’elle prenne en compte les observations mises en évidence par cet incident ; [Recommandation FRAN 2023-013]

la DSAC réévalue sa décision d’approbation de l’AltMOC présenté par la DSNA sur le point particulier du moyen de conformité alternatif à l’AMC4 ATS.TR.255. [Recommandation FRAN 2023-014]

- Recommandation FRAN-2023-015 / Adaptation des opérations spécialisées :

L’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI) dans les documents qu’elle a publiés sur les opérations sur pistes parallèles ou quasi parallèles recommande que les opérations d’approches parallèles indépendantes sur des pistes parallèles séparées de moins de 1 525 m soient suspendues lorsque certaines conditions météorologiques indiquées par les autorités ATS compétentes (cisaillement du vent, turbulence, courant descendant, vent traversier ou autre phénomène météorologique significatif, comme un orage) risquent de causer une augmentation des écarts par rapport à la trajectoire d’approche finale, au point que la sécurité peut être compromise.

Elle n’effectue pas de recommandation équivalente pour le cas des opérations spécialisées sur pistes parallèles ou quasi parallèles.

L’incident grave objet de ce rapport démontre que des conditions météorologiques peuvent être à l’origine d’écarts de trajectoire pouvant causer des pertes de séparation entre trafics pendant les opérations spécialisées sur pistes parallèles ou quasi parallèles.

Le BEA a mis en évidence au moins trois événements de perte de séparation survenus au cours des cinq dernières années, présentant des facteurs similaires.

Si la distance entre axes de pistes à Paris-Charles de Gaulle est inférieure à la norme recommandée par l’OACI, un scénario similaire reste envisageable pour des opérations sur des pistes respectant cette norme. Dans un tel cas, la distance entre axes de pistes fournit des marges plus importantes, mais le BEA n’a pas connaissance d’une étude qui démontre que la perte de séparation serait évitée quelles que soient la distance entre axes de pistes et les conditions météorologiques.

En conséquence, le BEA recommande que :

  • l’OACI évalue l’opportunité de recommander l’adaptation des opérations parallèles spécialisées lorsque certaines conditions météorologiques indiquées par les autorités ATS compétentes (cisaillement du vent, turbulence, courant descendant, vent traversier ou autre phénomène météorologique significatif, comme un orage) risquent de causer une augmentation des écarts par rapport aux trajectoires établies, au point que la sécurité peut être compromise. [Recommandation FRAN 2023-015]

Le suivi de ces recommandations est en cours

Suivi disponible sur SRIS2: cliquez ici

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Rappel : conformément aux dispositions de l’article 17.3 du règlement n° 996/2010 du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 sur les enquêtes et la prévention des accidents et des incidents dans l’aviation civile, une recommandation de sécurité ne constitue en aucun cas une présomption de faute ou de responsabilité dans un accident, un incident grave ou un incident. Les destinataires des recommandations de sécurité rendent compte à l’autorité responsable des enquêtes de sécurité qui les a émises, des mesures prises ou à l’étude pour assurer leur mise en œuvre, dans les conditions prévues par l’article 18 du règlement précité.

 

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