Panne d'essence après le décollage, demi-tour, atterrissage forcé dans un champ
Panne d'essence après le décollage, demi-tour, atterrissage forcé dans un champ
Circonstances
Le pilote, accompagné d'un passager, décolle de la piste 05 de Nangis Les Loges (77) pour un vol local de moins d' une heure. Il explique qu'à une altitude d'environ 600 ft, juste après la mise en palier, le moteur s'arrête brusquement. Il met en marche la pompe électrique et tourne le sélecteur de réservoir vers la gauche. Après quelques secondes, il ne constate pas de reprise du régime du moteur et bascule à nouveau le sélecteur sur sa position initiale à droite. Il fait un demi-tour par la gauche et atterrit dans un champ situé à environ 150 m du seuil 23. Lors du roulement les trains se rompent.
L'avion est équipé de deux réservoirs d'aile d'une capacité de 40 l chacun et d'un réservoir principal d'une capacité de 110 l. Le réservoir droit a été retrouvé vide, le gauche et le principal contenaient respectivement environ 30 l et 40 l de carburant. Le sélecteur de réservoir était sur la position « réservoir droit ». Les inscriptions au niveau du sélecteur de réservoir sont partiellement effacées.
Le pilote explique qu'avant le vol il a vu son instructeur qui venait de réaliser un vol sur le F-GAOU. Il lui a fait part de son intention d'effectuer un vol local de moins d'une heure. L'instructeur lui a indiqué qu'il restait suffisamment de carburant. Lorsqu'il a fait la visite pré-vol de l'avion, il n'a pas vérifié visuellement le carburant pensant que le F-GAOU n'avait qu'un réservoir. Il précise qu'il n'est pas possible de vérifier visuellement la quantité de carburant dans le réservoir principal. Il ajoute qu'avant la mise en route, il n'a vu qu'un indicateur de carburant, affichant les trois quarts du plein complet. Il indique que son passager était grand et qu'il a pu avec ses jambes masquer une partie du tableau de bord. Le pilote précise qu'il a utilisé les listes de vérifications présentes dans l'avion.
Les listes de vérifications retrouvées dans l'avion mentionnent notamment :
la vérification de la fermeture des bouchons des réservoirs d'aile lors de la visite extérieure ;
la vérification « jauges d'essence » avant la mise en route ;
le positionnement du sélecteur de réservoir sur la position « ouvert principal » avant la mise en route et avant le décollage.
Le pilote précise que le sélecteur de réservoir était positionné à droite et qu'il pensait que cela correspondait à la position « réservoir principal ».
L'avion est équipé de trois indicateurs de carburant disposés verticalement situés sur la partie droite du tableau de bord. Il est également équipé d'une alarme visuelle de couleur orange de bas niveau carburant pour chacun des réservoirs située sous le tableau de bord à gauche.
L'endommagement de l'avion n'a pas permis de vérifier l'étalonnage des jauges. Les jauges des réservoirs d'aile et les indicateurs correspondants ont été prélevés et testés chez CEAPR(2). Il a été constaté que :
- la jauge du réservoir gauche est fortement corrodée, le bas niveau ne fonctionne pas ;
- la jauge du réservoir droit n'est pas prévue pour être installée sur DR400, elle ne possède pas de fonction bas niveau.
Le propriétaire de l'avion indique qu'il ne savait pas que les alarmes de bas niveau carburant des réservoirs d'aile ne fonctionnaient pas. La succession de propriétaires et d'unités d'entretien n'a pas permis de déterminer les circonstances et les raisons pour lesquels une jauge non prévue pour les DR400 a été installée sur le F-GAOU.
Le club exploite cinq avions, tous de constructeurs différents. Le pilote vole uniquement sur le DR400-120 du club. Ce dernier est équipé d'un réservoir principal uniquement. Le robinet d'essence a deux positions : « ouvert » ou « fermé ». Le sélecteur du F-GAOU peut être positionné sur « fermé », « droit », « principal » et « gauche ».
Lorsqu'un avion est indisponible pour une période relativement longue, le club loue le F-GAOU à une société. Le DR400-120 du club était immobilisé pour une visite programmée et le club exploitait le F-GAOU depuis le 2 septembre 2012. Environ 15 heures de vol ont été réalisées et aucune anomalie particulière n'a été signalée. Le règlement intérieur du club précise que « pour utiliser un avion de l'aéroclub comme commandant de bord, le pilote doit avoir volé soit sur le modèle, soit sur un modèle d'avion de masse supérieure et de variantes au moins identiques dans les deux mois précédents ». Le président du club précise qu'il considère le DR400-120 et le DR400-180 comme deux types d'avion différents. Il indique qu'ils ne sont pas en mesure de s'assurer du respect de cette règle par les pilotes.
Le pilote, âgé de 67 ans, est titulaire d'une licence de pilote privé avion de 1976. Il totalisait environ 410 h de vol, dont 2 h 30 min dans les trois derniers mois. Il totalisait environ 60 h sur DR400-120 et 3 h sur DR400-180 (toutes sur le F-GAOU). Il a été lâché sur DR400-180 en novembre 2010. Son dernier vol sur ce modèle d'avion a eu lieu en mai 2011. Le pilote indique que lors de l'arrivée de l'avion, il a été rappelé que seuls les pilotes lâchés sur cet avion étaient autorisés à le piloter.
Conclusion et enseignement
La panne d'essence est due à une préparation incomplète du vol et une connaissance insuffisante des caractéristiques de l'aéronef. Le pilote a ainsi décollé avec un sélecteur carburant positionné sur un réservoir vide.
Lors de l'arrêt du moteur, il est possible que le pilote ait précipitamment basculé le sélecteur de réservoir d'un seul cran à gauche sur la position « fermé », empêchant ainsi le redémarrage du moteur.
Les facteurs suivants ont contribué à l'accident :
l'absence d'expérience récente du pilote sur DR400-180 ;
l'effacement partiel des inscriptions sur le sélecteur de réservoir ;
l'excès de confiance du pilote dans l'information carburant communiquée par son instructeur ;
le non-fonctionnement de l'alarme de bas niveau de carburant ;
l'absence de moyens permettant à l'encadrement du club de vérifier le respect des règles d'expérience récentes pour la prise en compte d'un avion.
La facilité apparente d'un vol local peut générer un sentiment de confiance de la part d'un pilote pouvant le conduire à une préparation moins rigoureuse. Cet accident rappelle, quelle que soit la nature du vol, l'importance des actions pré-vol.
Lors du vol précédent l'accident, seul le réservoir droit a été utilisé. L'instructeur et l'élève ont atterri avec une très faible quantité de carburant dans le réservoir sélectionné sans en avoir conscience. La pratique courante consiste à sélectionner le réservoir contenant le plus de carburant lors de l'atterrissage pour éviter le désamorçage du circuit carburant dans une phase délicate du vol, notamment en cas de remise de gaz.
L'utilisation d'un avion en location peut amener des risques nouveaux au sein d'un club, particulièrement lorsque le modèle d'avion n'est pas exploité d'ordinaire. Il peut s'avérer difficile pour l'encadrement d'un club ou pour ses instructeurs d'identifier et de prendre en compte ces risques. Avant avril 2015, les clubs devront être approuvés en tant qu'ATO (Approved Training Organisation) pour dispenser la formation PPL(A) ou LAPL(A). La mise en place d'une telle organisation a notamment pour objectif de permettre aux structures d'identifier les dangers et de gérer les risques.