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Perte de contrôle lors d'une simulation de combat aérien à faible hauteur, en manifestation aérienne, collision avec le sol

Perte de contrôle lors d'une simulation de combat aérien à faible hauteur, en manifestation aérienne, collision avec le sol

Autorité en charge

France - BEA

Progression de l'enquête Cloturée
Progress: 100%

1 - Déroulement du vol

Le pilote, propriétaire de l'avion, participe à un vol de simulation de combat aérien contre un autre avion de type R.A.F. S.E.5 lors d'une manifestation aérienne.

Les deux avions se trouvent diamétralement opposés sur une trajectoire circulaire serrée avec une forte inclinaison à gauche. La hauteur d'évolution est estimée à 150 m par des témoins.

Les témoins indiquent qu'à l'issue de plusieurs tours, le S.E.5 quitte cette trajectoire et le Fokker DR1 continue à tourner avant de descendre avec une attitude à piquer. Il heurte le sol et prend feu.

2 - Renseignements complémentaires

Le pilote était titulaire d'une licence de pilote privé d'avion depuis 1978 et d'hélicoptère depuis 1990. Il totalisait plus de 900 heures de vol sur avion et plus de 1 600 heures de vol sur hélicoptère. Il détenait la qualification de voltige avancée.

Le pilote avait acheté le F-AZAQ environ trois mois avant l'accident et totalisait 8 heures 45 minutes sur type. Depuis 1982, il a possédé successivement trois avions de voltige Pitts. Ainsi, dans les six mois ayant précédé l'achat de la réplique de Fokker DR1, il avait exclusivement volé avec un Pitts S-2B, doté d'une motorisation de 260 cv. Il continuait à voler régulièrement avec cet avion.

La réplique de Fokker DR1 était équipée d'un moteur Warner délivrant une puissance de 165 cv. Le précédent propriétaire de l'avion précise qu'il possédait des caractéristiques de vol particulières, notamment en lacet. La commande de direction nécessitait une bonne accoutumance d'autant que l'intégralité du plan vertical était mobile. De ce fait la mise en virage et la sortie de virage étaient délicates et nécessitaient un dosage précis entre les différentes commandes pour éviter le surpilotage. Il n'existe pas de manuel de vol pour cette réplique.

Le pilote du S.E.5 indique qu'il avait déjà réalisé un programme similaire avec le pilote du Fokker DR1 deux mois auparavant à la Ferté-Alais. Le programme impliquait cependant trois avions, de type triplans. Des enregistrements de cette présentation montrent que les trajectoires étaient moins serrées. Le pilote du S.E.5 précise que la figure réalisée ne présentait pas de difficulté particulière même s'il avait conscience que son S.E.5. est plus manœuvrant qu'un avion triplan. Il ajoute que le programme n'avait pas été répété avant la manifestation.

La réglementation(1) prévoit que le directeur des vols d'une manifestation aérienne doit avoir reçu le programme détaillé de chaque présentation au plus tard la veille de la manifestation. Il doit également s'assurer que chaque pilote remplit les conditions d'expérience requises, à savoir :

- un minimum de 200 heures de vol ;

- trois décollages et atterrissages sur le même type d'aéronef dans les trois mois précédant la manifestation ;

- un entraînement datant de moins de trois mois du programme proposé.

Conformément à cette réglementation, le pilote avait fait parvenir une « fiche de présentation en vol » aux organisateurs de la manifestation. Son expérience répondait aux critères réglementaires. La description de la présentation en vol mentionnait simplement « simulation de combat aérien ». Le pilote du S.E.5 avait fait de même ; sa description de la présentation en vol était identique.

Le directeur des vols de la manifestation explique qu'il ne disposait pas d'informations détaillées sur le contenu du programme que les deux pilotes allaient réaliser. Un autre témoin, présent lors du briefing avant les vols, explique qu'il a eu le sentiment que le programme de la démonstration n'était pas précisément établi, laissant place à l'improvisation. Le pilote du S.E.5 confirme que le programme était établi de façon générale, mais sans entrer dans le détail des évolutions. Les fiches de présentation déposées par les deux pilotes comportaient par ailleurs des informations différentes quant aux hauteurs de vol et à la durée de la présentation.

Plusieurs témoignages de directeurs de vol ou de responsables de la DSAC indiquent que les organisateurs de manifestations aériennes ne reçoivent que très exceptionnellement des descriptions détaillées des présentations en vol.

Des photographies réalisées juste avant la collision avec le sol suggèrent que le pilote était conscient et essayait de reprendre le contrôle de son avion. Il tentait de contrer l'inclinaison de son avion avec le manche. Aucun déplacement de la gouverne de direction n'est visible.

Les observations réalisées sur l'épave de l'avion n'ont révélé aucune anomalie susceptible d'avoir contribué à l'accident.

Un accident en manifestation aérienne est survenu le 14 juin 2009 au Boeing Stearman PT-17 immatriculé F-AZSH sur l'aérodrome de Tours Val de Loire (37). En palier, à faible vitesse, à une hauteur d'environ 400 ft et lors du déclenchement d'une « oreille » dos au public, l'avion décroche. Le pilote perd le contrôle de l'avion qui prend une forte assiette à piquer avant de heurter le sol.

L'enquête avait déterminé une vitesse trop faible au regard de la figure effectuée qui ne correspondait pas au programme initialement prévu. Une improvisation partielle de la démonstration en vol avait été identifiée comme ayant pu avoir contribué à l'accident. L'expérience du pilote sur cet avion était de 31 heures.

3 - Enseignements et conclusion

L'avion accidenté était une réplique de Fokker DR1 qui présente des caractéristiques de vol particulières. Ses performances ne figurent pas dans un manuel de vol.

L'expérience du pilote sur Fokker DR1 ne lui a pas permis de s'approprier les caractéristiques de vol de son avion. L'expérience acquise sur Pitts S-2B a pu inciter le pilote à évoluer au-delà des limites de vol du Fokker DR1.

Le contexte de la manifestation aérienne et l'absence de préparation détaillée de la démonstration ont pu inciter le pilote à aller au-delà des limites du domaine de vol de l'avion.

Lors d'une évolution à forte inclinaison, il est alors possible que le pilote soit sorti du domaine de vol de l'avion. Il a perdu le contrôle de son avion à une hauteur insuffisante pour éviter la collision avec le sol.

Les informations de la fiche de présentation en vol fournies par le pilote au directeur des vols ne permettaient pas à ce dernier d'identifier les risques associés à ce programme et de prendre des mesures appropriées avant le début de la présentation.

La DGAC a publié en octobre 2013 deux guides de bonnes pratiques à l'attention des pilotes et des directeurs des vols de manifestations aériennes(2). Ces deux guides présentent des recommandations sur les particularités des présentations en vol. Le premier destiné aux pilotes fournit ainsi des règles simples mais rigoureuses dans la préparation et l'entraînement préalable à la présentation en vol. Le second destiné aux directeurs des vols souligne la nécessité de s'assurer avec chaque pilote de la bonne préparation de sa présentation en vol. Il conseille également de prévoir un vol de répétition, en particulier lorsqu'un directeur des vols ne connaît pas un pilote.

4 - Recommandation

Rappel : conformément aux dispositions de l'article 17.3 du règlement n° 996/2010 du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 sur les enquêtes et la prévention des accidents et des incidents dans l'aviation civile, une recommandation de sécurité ne constitue en aucun cas une présomption de faute ou de responsabilité dans un accident, un incident grave ou un incident. Les destinataires des recommandations de sécurité rendent compte à l'autorité responsable des enquêtes de sécurité qui les a émises, des mesures prises ou à l'étude pour assurer leur mise en œuvre, dans les conditions prévues par l'article 18 du règlement précité.

Sécurité des présentations en vol

La connaissance par les organisateurs de la manifestation aérienne du faible niveau d'expérience du pilote sur cet avion et du caractère improvisé de la démonstration aurait pu contribuer à éviter l'accident. La réglementation actuelle et les conditions de sa mise en œuvre conduisent le directeur des vols à ne disposer que d'une information parcellaire sur l'expérience du pilote relative au programme envisagé, sur l'avion prévu. La réglementation relative aux manifestations aériennes est actuellement en cours de modification dans le cadre de la démarche de simplification des textes réglementaires entreprise par la DGAC. L'objectif attendu est de simplifier les autorisations préfectorales, tout en clarifiant les fonctions du directeur des vols afin qu'il soit plus à même d'anticiper les risques lors de la manifestation aérienne qu'il supervise.

Par ailleurs, bien que la réglementation impose aux pilotes de fournir une description détaillée du programme envisagé, l'enquête a montré que le délai de fourniture des fiches de présentation et leur contenu parfois succinct ne garantissent pas aux directeurs des vols d'apprécier les risques associés à une démonstration et ainsi d'assumer les responsabilités afférentes à leur fonction.

En conséquence le BEA recommande que :

- la DGAC s'assure que la future réglementation relative aux manifestations aériennes permette aux directeurs des vols de collecter, avec un préavis suffisant, toutes les informations qu'ils jugent utiles pour évaluer le niveau de sécurité de la démonstration proposée, dans les domaines de l'expérience réelle des pilotes, notamment sur le type ou la classe d'aéronef présenté, et sur la nature de la présentation. [Recommandation FRAN-2014-010]

(1)Arrêté du 4 avril 1996 relatif aux manifestations aériennes.

(2)Guide de présentation en vol - Pilote :

www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/guidePILOTE-2611web-2.pdf

Guide de présentation en vol - Directeur des vols :

www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/guide_directeur_des_vols2611web-2.pdf