Perte du radar météorologique en conditions orageuses
Perte du radar météorologique en conditions orageuses
Déroulement du vol
Vers 15 h 51, l'équipage d'un ATR 42-500 décolle de Béziers à destination d'Orly. Le commandant de bord est pilote en fonction (PF).
Vers 15 h 56, l'équipage contacte Marseille Contrôle et est autorisé à monter au FL180 en route directe vers le VOR MOU.
A l'approche du Massif Central, l'équipage constate visuellement la présence de cumulonimbus prévus dans le dossier de vol. A partir des informations du radar météorologique, il identifie un couloir qui doit permettre de franchir le secteur convectif sans trop s'éloigner de la route. Vers 16 h 13, il demande et obtient l'autorisation de prendre le cap zéro quinze pour évitement et s'engage dans ce couloir. Il allume les consignes lumineuses FASTEN SEAT BELTS et prévient l'hôtesse de turbulences probables. Le commandant de bord maintient le FL180 et une vitesse de croisière de 220 kt(1) .
A 16 h 16 min 12(2), l'équipage met en fonctionnement les systèmes d'antigivrage(3).
Il observe ensuite la formation rapide de glace et met en fonctionnement les systèmes de dégivrage(4) à 16 h 20 min 31 s.
Vers 16 h 22 min 53, l'avion pénètre dans une zone de turbulence.
A 16 h 23 min 35, le voyant d'avertissement CAUTION est allumé pendant 8 secondes. L'équipage constate la panne du VOR 1 puis de la centrale d'attitude et de cap (AHRS) numéro 1 et le pilote automatique se désactive à 16 h 24 min 06 s. Le commandant de bord transfère le pilotage au copilote dont les instruments sont en état de fonctionnement.
A 16 h 27 min 24, l'équipage informe le contrôleur qu'il est au cap 310° pour naviguer entre des cumulonimbus. Peu après, alors que l'équipage n'a plus de références visuelles extérieures, il constate que le radar météorologique fournit une image dégradée.
Environ trente secondes plus tard, les turbulences s'intensifient et ont pour conséquences des variations d'altitude et de vitesse. L'équipage réduit le torque pour diminuer la vitesse. Il constate alors que l'avion subit un givrage fort et exécute l'encadré de la procédure d'urgence SEVERE ICING à 16 h 29 min 04 s. Cette dernière demande notamment d'augmenter l'index rouge(5) de 10 kt, de passer le torque en MCT et de quitter les conditions givrantes.
Après une montée à 18 350 ft à 16 h 29 min 16, suivie d'une descente à 17 550 ft à 16 h 29 min 34, les variations d'altitude et de vitesse s'atténuent. La vitesse est de 228 kt à 16 h 29 min 37 s.
A 16 h 31 min 27, le commandant de bord émet un message d'urgence en précisant la perte de son radar météorologique et demande à faire une altération de cap vers l'ouest afin de retrouver des conditions VMC. Ce message est émis alors que l'avion franchit une limite de secteur de contrôle (LS/LO) et qu'un dégroupement de secteurs est en cours. Le contrôleur accuse réception et transfère l'équipage sur la fréquence du secteur suivant (LO). Le commandant de bord s'annonce sur la fréquence du secteur LO en associant le préfixe PAN PAN à son indicatif. Il demande à reprendre la route sur le VOR de MOU et indique « qu'il est clair à nouveau ». Un autre contrôleur, qui vient d'ouvrir LO, autorise la navigation directe sur MOU sans utiliser le préfixe PAN PAN. Immédiatement après, ce dernier est occupé en continu à la radio par deux autres équipages. A 16 h 33 min 14, le pilote annule la situation d'urgence et indique qu'il est en route sur MOU et en ciel clair. Le contrôleur répond qu'il n'avait pas reçu le message d'urgence.
A 16 h 35 min 03, le pilote automatique est activé à nouveau, et l'avion se stabilise en altitude et en vitesse, respectivement à 18 100 pieds et 208 kt. La fin du vol se déroule sans autre incident.
A l'arrivée, une inspection de l'avion et une vérification des systèmes sont effectuées. Aucune anomalie n'est détectée.
(1)Dans l'AFM ATR 3.04.02 SEVERE TURBULENCE, la vitesse maximale en air agité est de 180 kt.
(2)La température extérieure calculée à cet instant est de -18 °C (la température totale enregistrée est de -7 °C).
(3)Extrait du Quick Reference Handbook: ANTI-ICING: PROP 1 + 2 + (RUD & L-ELEV) + (AIL & + R-ELEV) HORNS + SIDE WINDOWS……ON.
(4)Extrait du Quick Reference Handbook: DE-ICING: ENG 1 + 2…ON; DE-ICING: AIRFRAME…ON.
(5)MINIMUM ICING SPEED.
Enseignements
L'équipage a été confronté à une situation de givrage fort associé à des turbulences fortes, dans une zone et à une altitude où ils étaient prévus. Ces conditions ont rendu difficile l'adoption d'un projet d'action compatible avec des exigences opérationnelles contradictoires (réduction de vitesse en air turbulent et augmentation de vitesse en condition de givrage fort). Elles n'ont pas été reportées au contrôleur en raison de l'enchaînement rapide des pannes.
L'équipage s'attendait à bénéficier d'un guidage radar pour quitter dans les meilleurs délais la zone de turbulence et de givrage fort qu'il subissait. Il ne s'est pas déclaré en détresse, ce qui aurait vraisemblablement suscité une action différente du contrôleur. En particulier le contrôleur aurait sans doute évité un changement de fréquence au risque de perdre le contact avec l'avion en détresse.
Le contrôleur radar ne dispose pas, sur son poste de travail, des informations qui lui auraient permis de rendre ce service. L'exploitation par le service de contrôle des informations météorologiques n'a pas pour but de rendre ce service et le contrôleur ne pouvait pas aider efficacement l'aéronef à sortir des conditions météorologiques présentant un risque élevé pour la sécurité. Le contrôleur radar élabore pour l'instant sa présentation de la situation météorologique à partir des rapports des pilotes sur les phénomènes rencontrés. Les informations météorologiques sont en particulier d'autant moins disponibles que le trafic est peu dense comme c'est le cas au niveau de croisière de l'ATR.
L'équipage, privé de son radar météorologique, ne disposait plus d'information sur la position des masses orageuses. Il est sorti des zones de turbulence en prenant un cap, à partir de la dernière image radar dont il se souvenait, vers une zone qui lui semblait moins perturbée et qui effectivement l'était.
Conclusion
L'incident est dû à la difficulté pour l'équipage d'adopter un projet d'action lorsqu'il a été confronté à une situation de givrage fort associé à des turbulences fortes alors que le radar météorologique n'était plus opérationnel.
Le contrôleur ne disposait pas de moyens de visualiser les zones convectives sur son écran radar. Cette absence ne lui permettait pas d'assister l'équipage.