Rupture du câble de remorquage lors d'un retour au sol, atterrissage forcé, collision avec un planeur au sol, en instruction
Rupture du câble de remorquage lors d'un retour au sol, atterrissage forcé, collision avec un planeur au sol, en instruction
1 - Déroulement du vol
Dans le cadre de la formation en vue de la délivrance du brevet de pilote de planeur, l'élève effectue un vol avec un instructeur. Après un premier circuit d'aérodrome, ils redécollent en remorqué en piste 30 pour effectuer un exercice de « retour au sol » derrière le remorqueur suivi d'une remise de gaz sur la bande bétonnée nord du QFU12. Le vent est faible.
Au cours de la finale, le planeur est en « position basse » derrière le remorqueur, aérofreins sortis pour ne pas le rattraper. L'instructeur reprend les commandes au moment de l'arrondi et commence à rentrer les aérofreins pour anticiper la remise de gaz du remorqueur. Il explique que le remorqueur roule au sol, au lieu de remettre les gaz à faible hauteur, comme l'instructeur en a l'habitude. L'avion ralentit. Le planeur se rapproche de l'avion et le câble se détend. Lors de la remise de gaz du remorqueur, le câble se tend violemment et rompt. L'instructeur estime que la hauteur du planeur est alors d'environ 30 m et que le terrain devant lui ne permet pas d'y atterrir. Il effectue un virage à droite, espérant pouvoir atterrir dans l'enceinte de l'aérodrome et éventuellement faire demi-tour.
Au cours du virage, le planeur heurte le sol et l'instructeur en perd le contrôle. Il ne peut pas éviter la collision avec un autre planeur, tracté par un véhicule de piste sur la voie de circulation. Un membre du club qui tenait l'aile gauche de ce planeur est projeté au sol lors de la collision et légèrement blessé. L'élève, assis en place avant du F-CFYR, est blessé.
2 - Renseignements complémentaires
2.1 Câbles de remorquage
L'examen du câble de remorquage montre que celui-ci s'est rompu par surcharge. Il n'a pas été mis en évidence d'endommagement préalable susceptible de l'avoir fragilisé de manière significative. Seules quelques traces d'abrasion par frottement et de pincement ont été relevées.
Il n'existe pas de critères techniques réglementaires applicables pour les câbles de remorquage. Il est d'usage d'utiliser des câbles dont la résistance est inférieure à une limite fixée par la résistance structurale de l'avion ou du planeur mais suffisante pour accepter les efforts normaux en remorquage.
La possibilité d'une rupture de câble en remorquage est envisagée et enseignée dans les pratiques vélivoles. A faible hauteur, le choix d'un atterrissage dans le secteur situé devant le planeur, d'un virage suivi d'un atterrissage à contre QFU ou d'un circuit d'aérodrome adapté, relève de la décision du pilote, en fonction de sa hauteur, de la vitesse du planeur, et des obstacles.
2.2 Réflexions sur la conduite à tenir en cas d'impossibilité, pour le planeur, de larguer le câble
La Fédération Française de Vol à Voile (CFVV) explique que la conduite préconisée en cas d'impossibilité pour le pilote du planeur de larguer le câble a évolué en 2012.
Auparavant, la technique de « retour au sol » était pratiquée et enseignée depuis de nombreuses années. Elle consistait, pour les deux pilotes à ramener le planeur, en « position basse » et câble tendu, au seuil de piste à hauteur d'arrondi. La trajectoire suivie par l'attelage devait permettre au planeur, en cas de largage intempestif, de rejoindre en sécurité l'aérodrome, ce qui conduisait à une trajectoire en descente continue avec d'éventuels ajustements de pente et de puissance(1). Le taux de descente recherché devait être d'environ 2,5 m/s à une vitesse d'environ 125 km/h, paramètres permettant en général de maintenir le câble tendu et une pente adéquate. A hauteur d'arrondi, le pilote du remorqueur larguait alors le câble et remettait les gaz pour ne pas faire obstacle à l'atterrissage du planeur.
La formation à cette situation consistait en des exercices au cours desquels le pilote remorqueur remettait les gaz à une hauteur proche de celle du début d'arrondi. Le planeur restait accroché et un nouveau remorquage commençait. Lors de la remise de gaz, le contact avec le sol n'était en principe pas recherché mais il pouvait occasionnellement survenir. Le pilote du planeur devait rentrer progressivement les aérofreins pour réduire la traînée de l'attelage tout en maintenant le câble tendu.
Cette technique présentait les inconvénients suivants :
- en descente, les planeurs modernes, plus fins que les anciens, avaient tendance à rattraper le remorqueur engendrant un risque de détente du câble et d'enroulement de ce dernier autour d'une surface de l'avion ou du planeur, ou de rupture lors d'une remise en tension brutale ;
- le maintien des compétences pour les pilotes de planeur après l'obtention du brevet était quasi inexistant. L'entraînement des pilotes remorqueurs était très variable.
Les cas réels d'impossibilité pour le planeur de larguer le câble étaient rarissimes, notamment depuis la généralisation des crochets de marque Tost. En conséquence, la Fédération a estimé que cette pratique engendrait plus de risques pendant les entraînements qu'elle n'apportait de bénéfice en exploitation réelle.
Depuis 2012, elle préconise un largage du câble par le pilote remorqueur et un retour du planeur, câble pendu. Il convient alors, pour le pilote du planeur de retenir un point d'aboutissement suffisamment éloigné du seuil pour éviter que le câble accroche un obstacle en courte finale. Il a été précisé dans une version ultérieure de ces préconisations, que la formation consistait à faire réaliser cette trajectoire, sans le câble. L'atterrissage avec câble ne fait donc pas l'objet d'exercices. Le comportement du planeur n'est pas sensiblement modifié par la présence du câble.
Au cours de discussions, les instructeurs et pilotes remorqueur du club de Saint-Martin-de-Londres avaient finalement jugé cette nouvelle procédure inadaptée à l'environnement de leur plate-forme, principalement en raison de la piste courte(2) et des risques que le câble accroche un obstacle en finale, en particulier lors d'exercices avant la précision apportée par la fédération. La technique de retour au sol continuait d'être enseignée. Elle a été abandonnée après l'accident au profit de la nouvelle technique préconisée.
2.3 Données enregistrées
Le remorqueur et le planeur étaient équipés de FLARM. L'étude de ces données montre que l'attelage a rejoint le début de la branche vent arrière à une hauteur d'environ 180 mètres puis a poursuivi son vol en légère descente vers l'étape de base, effectuée en virage continu avec un court palier à 100 m de hauteur avant le début de la finale. Celle-ci a été effectuée avec une vitesse sol régulière de 130 km/h environ et une vitesse verticale égale puis supérieure à la valeur préconisée (3,75 m/s).
2.4 Témoignages
Le pilote remorqueur explique qu'il exerçait cette activité depuis 1995, principalement à Saint-Martin-de-Londres. Il totalisait environ 1 600 heures de vol avion dont 1 200 en remorquage (12 600 remorqués). Il avait effectué la plupart des exercices de retour au sol avec le même instructeur. Ils avaient pour habitude que le remorqueur roule sur la piste pendant cet exercice. Cela rendait l'exercice plus démonstratif pour l'élève, en assurant une trajectoire complète, plutôt qu'en remettant les gaz en courte finale. Au fil du temps, cet instructeur et le pilote remorqueur appliquaient cette technique de manière tacite.
Le jour de l'évènement, cet instructeur, absent, était remplacé par un autre instructeur que le pilote connaissait moins. Le pilote remorqueur et cet instructeur avaient convenu d'effectuer un retour au sol en début de journée au profit de l'élève, mais n'avaient pas discuté des modalités pratiques de réalisation de cet exercice. Le pilote avait vérifié l'état du câble et des anneaux ainsi que l'absence de nœuds.
L'instructeur explique qu'il s'attendait à une trajectoire plus haute et plus large que celle conduite par le pilote remorqueur. Bien que cela ait constitué une situation d'inconfort requérant une attention particulière, il n'a toutefois pas estimé nécessaire de demander par radio l'interruption de l'exercice puisque l'élève maintenait une position correcte selon ses indications. Il précise que le câble était tendu à la fin de l'approche finale et qu'il a surtout été surpris par la technique appliquée par le pilote remorqueur au moment de l'arrondi car il s'attendait à une remise de gaz. Il avait déjà effectué des retours au sol avec ce pilote remorqueur au cours desquels la remise de gaz était entamée à l'arrondi. Son expérience totale était de 3 800 heures environ depuis 1979. Il n'avait jamais été confronté à une impossibilité de largage de câble.
3 - Enseignements et conclusion
L'accident est dû à l'utilisation d'une technique particulière de retour au sol sans coordination adéquate entre le pilote remorqueur et l'instructeur.
(1)La diminution de la pente était plus facile à gérer pour le planeur que l'augmentation qui favorisait un rattrapage du remorqueur par le planeur et ainsi une détente du câble.
(2)550 mètres pour la piste en herbe (la LDA est 420 m en piste 12 et de 485 m en piste 30) et environ 400 mètres pour les bandes revêtues utilisées par les planeurs lorsque la piste en herbe est mouillée.