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Sortie latérale de piste lors de l'atterrissage sur un aérodrome à usage privé

Sortie latérale de piste lors de l'atterrissage sur un aérodrome à usage privé

Autorité en charge

France - BEA

Progression de l'enquête Cloturée
Progress: 100%

1 - Déroulement du vol

Après environ vingt minutes de vol, le pilote accompagné de trois passagers, intègre le circuit de l’aérodrome privé de Monhoudou pour un atterrissage sur la piste 20 qui présente une pente descendante de 2 %. Il interrompt tout d’abord deux approches en raison de la vitesse, d’environ 75 kt, et du plan suivi en approche finale. Lors de la troisième approche, le pilote estime la vitesse en finale à 65 kt et la hauteur du passage de l’extrémité de piste à 30 m. Le toucher des roues a lieu à une distance comprise entre 150 et 200 m du seuil de piste 20. Le pilote freine immédiatement et précise que la décélération est faible. Constatant qu’il ne pourra arrêter l’avion avant l’extrémité de piste, il décide de virer vers la droite et de maintenir une action forte sur les freins.

L’avion s’immobilise en contrebas de la piste, sur une route. Les quatre personnes à bord sortent indemnes.

2 - Renseignements complémentaires

2.1 Aérodromes non ouverts à la circulation aérienne publique

La réglementation distingue d’une part les aérodromes ouverts à la Circulation Aérienne Publique (CAP) et d’autre part les aérodromes non ouverts à la CAP qui comprennent :

les aérodromes à usage restreint ;

les aérodromes à usage privé.

Les aérodromes à usage privé sont définis comme étant créés par une personne physique ou morale de droit privé, pour son usage personnel ou celui de ses employés et invités(1) .

L’autorisation de les créer est donnée par arrêté préfectoral. Les aérodromes à usage privé peuvent ne pas être balisés ni signalés(2).

 

2.2 Aérodrome à usage privé de Monhoudou

 

L’aérodrome à usage privé de Monhoudou, situé sur le domaine d’un château dont les propriétaires proposent différents services, dispose d’une piste non revêtue (herbe) utilisée par les clients de ces propriétaires.

 

Selon l’arrêté d’août 2006 du Préfet de la Sarthe autorisant la création de cet aérodrome, il ressort notamment que :

 

- l’aérodrome a été créé pour être utilisé de manière permanente ;

- toute modification de la liste de personnes pouvant utiliser l’aérodrome (annexée à la demande d’autorisation de création de l’aérodrome) doit être soumise à l’accord du Préfet ;

- l’aérodrome dispose d’une piste gazonnée 02/20 de 700 m de longueur et de 30 m de largeur ;

- un seuil décalé de 50 m est présent en piste 20 ;

- un seuil décalé de 120 m est présent en piste 02.

 

Note : les dernières modifications demandées par le propriétaire de l’aérodrome concernant la liste nominative des pilotes autorisés datent de 2007 (le pilote du F-GAQR n’y figure pas).

 

Des informations générales concernant l’aérodrome sont disponibles sur le site Internet des propriétaires. En particulier, il est précisé que :

 

- les pilotes doivent obtenir l’autorisation d’accès auprès du propriétaire, recueillir d’éventuelles consignes ou restriction d’utilisation et adresser une fiche de mouvement ;

- la longueur de la piste gazonnée est de 720 m et sa largeur est de 20 m ;

- le seuil décalé en piste 20 est à 120 m de l’extrémité de piste ;

- le seuil décalé en piste 02 est à 100 m de l’extrémité de piste ;

- la piste 20 présente une pente descendante moyenne de 2 %.

 

Des cônes de couleur blanche servent de marques de piste. Il n’y a pas de balisage des seuils décalés.

 

Note : les différences entre les informations de l’arrêté de création de l’aérodrome et celles présentes sur le site Internet des propriétaires sont dûes à l’absence de mise à jour auprès de la préfecture.

 

2.3 Expérience et témoignage du pilote

 

Le pilote, titulaire, entre autres, d’une licence de pilote privé avion, totalisait 2 761 heures de vol dont :

 

- 1 053 en tant que pilote d’avion (le reste sur hélicoptère) ;

- 1 657 en tant que commandant de bord ;

- environ 4 avec le F-GAQR en tant que commandant de bord et 19 en hélicoptère dans les huit jours ayant précédé l’accident ;

- 1 avec le F-GAQR en tant que commandant de bord dans les 24 heures ayant précédé l’accident.

 

La veille de l’accident, dans l’après-midi, le pilote avait atterri avec deux personnes à bord sur l’aérodrome de Monhoudou. Il indique que le matin de l’accident, la piste était mouillée par de la rosée et précise que les roues se sont bloquées lors du freinage. Il précise qu’il a plutôt l’habitude d’utiliser des pistes revêtues.

 

2.4 Conditions météorologiques

 

Les conditions météorologiques sur site estimées au moment de l’accident étaient les suivantes :

 

- vent faible de secteur 130-170°, 2 kt avec des rafales maximales de 4 kt ;

- visibilité supérieure à 10 km ;

- 4 octas de Cumulus avec base à 500-600 m et 1 octa d’Altocumulus avec base à 3 300 m ;

- température : 22 °C ;

- température du point de rosée : 17 °C.

 

2.5 Renseignements sur l’aéronef

 

La masse estimée de l’avion à l’atterrissage était de 1 262 kg pour une masse maximale autorisée de 1 338 kg. Le centrage, correspondant à la répartition de la masse à l’atterrissage, était à l’intérieur des limites opérationnelles définies par le constructeur.

 

Le manuel de vol préconise pour les atterrissages sur pistes courtes :

 

- d’effectuer une approche à 60 kt avec les volets hypersustentateurs en position atterrissage (40 degrés) ;

- immédiatement après le toucher du train principal, d’amener le train avant au sol et de freiner énergiquement ;

- pour une efficacité maximale des freins lorsque les trois roues sont au sol, de rentrer les volets, de maintenir une action à cabrer maximale au manche et d’appliquer une pression maximale de freinage sans toutefois bloquer les roues.

 

Le manuel de vol permet d’établir les distances suivantes dans les conditions du jour et en appliquant la technique d’atterrissage sur pistes courtes :

 

- distance de roulement à l’atterrissage de 260 m ;

- distance d’atterrissage de 490 m ;

 

Le manuel de vol ne précise pas l’influence sur les performances de la pente d’une piste(3) et d’une piste en herbe mouillée. Les distances établies précédemment ne prennent ainsi pas en compte la pente descendante de la piste 20. Des calculs de performance effectués par Cessna établissent, dans les conditions du jour, pour une piste en herbe sèche(4) avec une pente descendante de 2 % :

 

- une distance de roulement à l’atterrissage de 407 m ;

- une distance d’atterrissage(5) de 699 m.

 

3. Enseignements et conclusion

 

Sur une piste en herbe mouillée, avec une pente descendante de 2 %, le pilote, avec trois passagers à bord, a d’abord effectué deux approches suivies de remises de gaz. Lors de la troisième tentative, le toucher des roues a eu lieu au premier tiers de la piste. Le pilote n’a pas appliqué la technique prévue dans le manuel de vol pour les atterrissages sur piste courte. L’utilisation maximale des freins ne lui a pas permis d’éviter la sortie de piste qui résulte ainsi de la combinaison des facteurs suivants :

 

- l’absence d’obligation de balisage par marques des aérodromes à usage privé qui ne permet pas aux pilotes d’identifier précisément une zone de toucher des roues ou un point d’aboutissement lorsqu’un seuil décalé est établi ;

- l’impossibilité pour un pilote lors de la préparation d’un vol d’établir à partir du manuel de vol la distance d’atterrissage sur une piste mouillée en herbe avec une pente descendante. Ainsi le pilote ne s’est pas rendu compte que la distance d’atterrissage était supérieure à la longueur de piste utilisable à l’atterrissage ;

- la volonté du pilote d’atterrir avec trois passagers à bord et après deux tentatives d’approche ;

- l’absence de remise en question du projet d’atterrir sur la piste présentant une pente descendante alors que les conditions de vent permettaient un atterrissage sur la piste opposée. L’atterrissage effectué la veille sur cette piste a pu conforter le pilote dans ce choix ;

- un pilotage imprécis compte-tenu des caractéristiques de la piste.

 

(1)Article D233-1 du Code l’Aviation Civile.

(2)Article D233-4 du Code l’Aviation Civile.

(3)Les règlements de navigabilité associés à ce type d’aéronef (CS23, FAR23) ne l’imposent pas.

(4)Cessna ne dispose pas de données permettant de calculer ou d’estimer les performances sur une piste en herbe mouillée par de la rosée, celles-ci variant de manière substantielle en fonction de la quantité d’eau ou du type et de longueur de l’herbe.

(5)Passage au seuil à 50 ft.