Turbulences fortes lors d'une attente, déclenchement de la protection en incidence par conditions orageuses
Turbulences fortes lors d'une attente, déclenchement de la protection en incidence par conditions orageuses
Déroulement du vol
L'élaboration du déroulement du vol est basée sur l'analyse de l'enregistreur de paramètres, le compte rendu équipage et les données radio-radar fournies par la DSNA.
Le 14 Juillet 2010, l'équipage du vol AF 7567 DR effectue le vol Ajaccio-Orly. La situation est fortement orageuse en région parisienne.
Vers 12 h 49, en approche vers Orly et en contact avec Paris ACC, l'aéronef rencontre de très fortes turbulences au niveau de vol 180. Elles sont qualifiées par l'équipage « d'extrêmes » près de l'attente d'OKRIX : l'avion subit un gradient de vent vertical de 25 kt en deux secondes environ et des facteurs de charges compris entre - 0,03 g et + 1,89 g en vertical et - 0,15 g et + 0,18 g en latéral. Ces valeurs de facteurs de charges sont importantes mais toutefois à l'intérieur de l'enveloppe de certification. La vitesse passe de 202 kt à 178 kt (Vs1g + 7 kt).
Les conséquences de ces turbulences sont une augmentation de l'incidence de l'aéronef. Cette dernière atteint une valeur de 13 degrés environ. La protection en incidence Alpha Prot de l'Airbus A321 se déclenche et le pilote automatique (PA) se désengage. Le contrôle de l'appareil est repris manuellement par le copilote qui amène les manettes de poussée en position TOGA (butée) et agit sur le manche. L'aéronef subit des variations d'assiettes comprises entre - 10° et + 14° et également du roulis entre + 2° et - 46°. L'équipage désengage l'autopoussée. Cette dernière ainsi que le pilote automatique sont réengagés ultérieurement.
L'aéronef poursuit son vol et atterrit sans autre incident à Orly
CONCLUSION
L'incident grave est dû à la rencontre de turbulences sévères en situation orageuse provoquant l'activation d'une protection en incidence de l'aéronef et le désengagement du pilote automatique.
L'absence de visualisation directe des orages sur l'écran du contrôleur et de procédures associées pour lui permettre d'assister de façon plus efficace les aéronefs lors de l'évitement des zones convectives, a contribué à l'incident.
RECOMMANDATIONS
Rappel : conformément aux dispositions de l'article 17.3 du règlement n° 996/2010 du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 sur les enquêtes et la prévention des accidents et des incidents dans l'aviation civile, une recommandation de sécurité ne constitue en aucun cas une présomption de faute ou de responsabilité dans un accident, un incident grave ou un incident. Les destinataires des recommandations de sécurité rendent compte à l'autorité responsable des enquêtes de sécurité qui les a émises, des mesures prises ou à l'étude pour assurer leur mise en œuvre, dans les conditions prévues par l'article 18 du règlement précité.
Dans le cas de l'incident de l'A 321, d'autres aéronefs de transport public présents à ce moment ont également été confrontés aux risques associés à cette situation orageuse. Un incident similaire impliquant un ATR 42-500 de la compagnie Airlinair vers Clermont Ferrand est survenu le 11 mai 2008. il a fait l'objet d'un rapport dont la conclusion est :
L'incident est dû à la difficulté pour l'équipage d'adopter un projet d'action lorsqu'il a été confronté à une situation de givrage fort associé à des turbulences fortes alors que le radar météorologique n'était plus opérationnel.
Le contrôleur ne disposait pas de moyens de visualiser les zones convectives sur son écran radar. Cette carence l'a empêché d'assister l'équipage.
De nombreuses publications sur le thème des situations orageuses existent et le BEA a publié en 2008 une étude sur ce sujet :
www.bea.aero/etudes/turbulences.en.transport.aerien/turbulences.en.transport.aerien.pdf
Cette étude à fait l'objet de plusieurs recommandations vers les services de la DGAC, notamment :
que la DGAC introduise des outils, et définisse des méthodes de travail associées, permettant aux contrôleurs en route et d'approche de visualiser sur les écrans de contrôle les zones orageuses et les zones de turbulence.
En avril 2009, le BEA a reçu la réponse suivante :
« les services de contrôle en route et en approche de la DGAC disposent d'un système fourni par Météo France (ASPOC) permettant la visualisation des zones orageuses mais les données correspondantes ne sont toutefois pas disponibles sur les écrans radars des contrôleurs. Dans l'attente de développements à moyen ou long terme sous l'égide d'Eurocontrol ou de l'AESA, la DGAC va étudier les modalités de visualisation des données existantes sur les positions de contrôle. »
Puis, en février 2010, cette réponse a été réactualisée :
« les services de contrôle en route disposent aujourd'hui du système SIGNORA qui permet la visualisation des zones orageuses sur la position de contrôle. Cette visualisation n'est toutefois pas disponible sur l'écran radar du contrôleur. Le travail se poursuit entre les services concernés de la DGAC et Météo-France pour définir les procédures d'utilisation de ce nouveau système et les améliorations qui pourraient être apportées. »
En novembre 2010, un symposium DGAC s'est tenu sur le thème, entre autres, des phénomènes orageux en phase d'approche sans apporter de réponse à ce problème.
Pour l'heure, le BEA estime que les réponses aux recommandations ne sont pas adéquates.
Aujourd'hui, on constate que le contrôle aérien dispose d'une image ASPOC qui n'est toujours pas directement utilisée sur les écrans radars alors qu'il a été démontré qu'elle apporterait une assistance aux contrôleurs et aux équipages et permettrait de diminuer le risque pour ces derniers. Par ailleurs, il est à noter que certains pays en Europe ainsi que les Etats-Unis ont déjà adopté de telles mesures.
Aussi, le BEA recommande que:
- la DGAC définisse un calendrier avec une forte priorité de mise à disposition sur les écrans radars de contrôle en route et en approche d'une visualisation des zones orageuses et turbulentes, et qu'elle définisse les conditions d'utilisation de ces informations.