Cette rubrique présente quelques thématiques opérationnelles de sécurité relatives au transport aérien commercial, impliquant principalement des avions de grande capacité. Ces thématiques sont illustrées avec les derniers rapports publiés par le BEA et certains rapports d’enquêtes étrangères au cours desquelles le BEA a été impliqué au titre de représentant accrédité.
Les turbulences sont à l’origine du plus grand nombre de blessures graves en transport commercial chaque année, en dehors des accidents majeurs. Les conséquences immédiates peuvent aller jusqu’à des blessures durablement incapacitantes. Les turbulences peuvent également être à l’origine de réactions de la part de l’équipage favorisant la prise d’attitudes inusuelles exposant à un risque de perte de contrôle en vol. Les accidents et incidents graves recensés par le BEA se répartissent équitablement entre les turbulences associées à des phénomènes convectifs et les turbulences en ciel clair. Dans tous les cas, l’anticipation reste un enjeu fort et pose notamment la question des systèmes sol et bord.
1. Turbulences en croisière, blessure grave d’un membre d’équipage de cabine, atterrissage d’urgence à destination
Le 25 juillet 2021, après avoir contourné ce qu’il pensait être une dernière cellule orageuse, l’équipage du Boeing 737 immatriculé SE-RPE à destination de Nice a indiqué qu’il pouvait désormais faire route vers le point demandé par le contrôleur. En cours de virage, l’équipage a soudain découvert, sur le radar météorologique et également à vue, des développements orageux, juste derrière la cellule qu’il venait de contourner. La traversée de cette zone fut courte, mais violente. C’est lors de cette phase qu’un PNC, occupé à sécuriser le matériel à l’arrière de l’avion, a été gravement blessé et un autre légèrement blessé. L’enquête a rappelé qu’en France, les éléments météorologiques ne sont pas visualisés sur les écrans radar des contrôleurs.
2. Turbulences en descente, blessure grave d’un PNC
Le 5 décembre 2021, au cours du vol et notamment des minutes précédant l’accident, l’équipage de l’Airbus A350 immatriculé F-HNET avait bien identifié le risque de turbulence et avait demandé à tous les occupants, PNC inclus, de rester attachés. Les premières zones de turbulences ont ainsi été traversées sans incident. Passant le FL 100, étant en dehors des nuages et pensant que les turbulences étaient passées, le CDB a autorisé les PNC à l’arrière de l’avion à finir la préparation de la cabine en vue de l’atterrissage. Quelques minutes plus tard, une turbulence brève et soudaine a blessétrois PNC, dont un gravement. Cette zone de turbulences a probablement été engendrée par une cellule convective située à proximité, cellule que l’équipage n’a pas pu détecter ou dont il a pu sous-estimer la distance ou l’étendue de la zone d’influence.
3. Turbulences en croisière, perte de contrôle momentanée
[Enquête de l’autorité de la Malaisie]
Le 3 mai 2017, lors d’un vol entre Taipei (Taïwan) et Kuala Lumpur, l’équipage de l’Airbus A330 immatriculé 9M-XXS a été surpris pas une turbulence modérée qu’il n’avait pas détectée avec le radar de bord. L’avion a d’abord pris une inclinaison de 8°, Le CDB, PM sur l’étape, a déconnecté le pilote automatique et a essayé de remettre les ailes à plat. Pendant 90 s environ, les actions simultanées du CDB et du copilote (dual input) en roulis et en tangage ont amené l’avion à des incidences élevées (à MAX), à une réduction du Mach (0,64) et à une augmentation de l’altitude au-delà de 42 000 ft. Au-delà de l’altitude recommandée (REC MAX = 415) et à forte incidence, les actions cycliques et simultanées des deux membres d’équipage, exercées à la fréquence du roulis hollandais, ont entraîné une situation très dynamique en roulis. L’angle de roulis maximal a atteint 98°. L’équipage a finalement réussi à revenir vers des attitudes normales. Cinq passagers ont été blessés pendant l’incident. Le rapport insiste sur l’importance d’une sélection adéquate du ND de façon à visualiser correctement les informations du radar. Le rapport met également en exergue comme facteurs contributifs à la perte de contrôle momentanée à haute altitude le désengagement précoce des automatismes en cas de turbulences ainsi que les actions simultanées des deux membres d’équipage sur les mini-manches.