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Accident de l'Airbus EC135 immatriculé F-HJAF survenu le 08/12/2020 à Bonvillard (73)

Collision avec la végétation au retour d'un vol d'instruction à l'hélitreuillage de nuit

Autorité en charge

France - BEA

Progression de l'enquête Cloturée
Progress: 100%

Le 8 décembre 2020, le planning des vols de l’hélicoptère EC135 immatriculé F-HJAF exploité par SAF HELICOPTERES prévoyait six vols de formation : deux vols le matin, deux vols l’après-midi et deux vols de nuit. Cette formation s’inscrivait dans le cadre d’un agrément spécifique à l’utilisation du treuil en transport aérien commercial (SPA.HHO).

En fin d’après-midi, les deux équipages ont effectué la réunion préparatoire avant les deux vols de nuit. La consultation des données de prévisions météorologiques avait mis en évidence l’arrivée d’une perturbation neigeuse dans la soirée. Compte tenu de l’arrivée de cette perturbation, du programme très court de l’exercice (trois treuillées) et de la proximité du site de l’exercice (situé à 3,2 NM dans le sud-est de l’aérodrome et à 1 820 m d’altitude), l’ensemble des personnes concernées a pris la décision d’effectuer les deux vols à la suite et de changer d’équipage rotor tournant à l’issue du premier vol de nuit.

Pour ces deux vols de nuits, l’équipage à bord était constitué d’un pilote instructeur, d’un pilote en instruction, d’un treuilliste en formation, d’un treuilliste formateur et de deux secouristes qui participaient aux treuillées.

À l’issue du premier vol de nuit, le premier équipage (pilote en instruction et treuilliste en formation) a été remplacé par le second binôme. Le pilote instructeur, le treuilliste formateur et les deux secouristes sont restés à bord pendant ce changement.

Le second pilote en instruction a décollé à 17 h de l’aérodrome d’Albertville à destination du site de l’exercice. Arrivé sur la zone, le pilote a réalisé les mêmes exercices que lors du vol précédent.

Ces exercices terminés, le pilote a quitté le stationnaire et pris de la vitesse sur un cap sensiblement orienté au nord-ouest puis il a débuté un virage par la gauche tout en restant en palier. L’hélicoptère s’est dirigé vers le flanc de la montagne et est entré en collision avec la végétation puis le sol.

Le BEA a émis deux recommandations de sécurité à destination de la société SAF HELICOPTERES.

 

Le BEA émet 2 recommandations de sécurité:

- Recommandations FRAN-2022-017 et FRAN-2022-018 / Gestion de la sécurité de nouvelles activités :

La délivrance d’un agrément pour une activité par les services de l’aviation civile indique que, par la mise en place de procédures adaptées, l’exploitant a pu démontrer à la fois sa capacité à répondre aux exigences règlementaires (traçabilité, suivi, navigabilité, compétence des équipages) mais également que les procédures mises en place permettent de garantir un niveau de sécurité suffisant pour l’exercice de ses activités.

L’enquête a toutefois montré que SAF HELICOPTERES n’avait pas clairement défini les objectifs opérationnels visés au travers de l’obtention de l’agrément spécifique à l’utilisation du treuil en transport aérien commercial (SPA.HHO), notamment l’agrément SPA.HHO « nuit ». L’absence de précision concernant le contexte opérationnel envisagé au travers de l’obtention de l’agrément SPA.HHO pose la question des bases sur lesquelles SAF HELICOPTERES :

  • a réalisé l’étude d’impact sur la sécurité relative à l’agrément SPA.HHO ; et
  • a défini la formation associée et déterminé que les pilotes en formation disposaient d’une expérience, notamment de nuit, leur permettant de suivre cette formation.

À titre d’exemple, SAF HELICOPTERES a précisé au BEA au cours de l’enquête que l’objectif opérationnel visé était de pouvoir terminer après la tombée de la nuit des opérations de secours en montagne débutées en fin de journée. Il n’était pas prévu de déclencher des opérations d’hélitreuillage après la tombée de la nuit. Cette restriction d’exploitation, que SAF HELICOPTERES a indiqué vouloir s’imposer, n’était pas clairement mentionnée dans le Manuel d’exploitation (MANEX) de la société. Si le premier vol effectué le jour de l’accident à la nuit tombante pouvait s’inscrire dans ce cadre opérationnel, le deuxième vol effectué lors d’une nuit pleinement établie, sans lune, introduisait des difficultés supplémentaires qui allaient au-delà du cadre opérationnel évoqué par SAF HELICOPTERES.

La cartographie des risques rédigée par SAF HELICOPTERES laisse supposer que l’étude d’impact sur la sécurité :

  • n’a pas été l’occasion d’explorer les facteurs de risques spécifiques à l’exploitation à la fois de nuit et en montagne ;
  • a presque exclusivement porté sur la phase de treuillage qui caractérise l’activité SPA.HHO, sans traiter explicitement des phases d’arrivée et de départ du site d’intervention, qui impliquent un vol d’avancement à proximité du relief ;
  • n’intégrait pas de volet spécifique aux vols de formation entrepris dans le cadre de cet agrément SPA.HHO.

L’analyse des risques n’a pas été approfondie au-delà de la cartographie. La portée attendue des barrières listées dans cette cartographie n’a pas été précisée non plus.

Lorsque l’hélicoptère est entré en collision avec le relief, l’exercice de treuillage était terminé et il était attendu du pilote en formation qu’il prenne la direction du retour vers l’aérodrome. De ce point de vue, on pourrait considérer que l’accident ne matérialise pas un risque spécifique à l’agrément SPA.HHO. Cependant, l’accident a mis en évidence deux facteurs de risques spécifiques au contexte du programme de formation SPA.HHO :

  • vol à proximité directe du relief en montagne et de nuit, dans des conditions d’éclairement naturel ne permettant pas de distinguer les obstacles proches, environnement pour lequel l’expérience du pilote en formation était probablement surestimée ;
  • vol combinant la formation du pilote et du treuilliste, soit dans un contexte susceptible de multiplier les aléas, les points d’attention et les besoins de coordination entre le poste de pilotage et l’arrière.

Ces facteurs de risques spécifiques n’avaient pas été anticipés par SAF HELICOPTERES au travers de l’étude d’impact sur la sécurité réalisée en vue de l’agrément SPA.HHO.

Plus particulièrement, le niveau de clarté de la nuit (nuit claire ou nuit sombre) ne constituait pas un critère décisionnel et limitatif à la réalisation d’un vol de nuit en montagne à proximité immédiate du relief.

En conséquence, le BEA recommande que :

  1. SAF HELICOPTERES définisse le contexte et les limites opérationnels des vols de secours en montagne de jour et de nuit (incluant ou non de l’hélitreuillage) afin de réaliser l’étude d’impact sur la sécurité relative à cette activité et de déterminer la formation et les critères d’expérience associés. [Recommandation FRAN-2022-017]
  2. SAF HELICOPTERES s’assure que le contexte et les limites opérationnels de l’ensemble de ses vols soient définis afin de conduire une analyse des risques adaptée.  Recommandation FRAN-2022-018]

Le suivi de ces recommandations est en cours

Suivi disponible sur SRIS2: cliquez ici

 

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Rappel : conformément aux dispositions de l’article 17.3 du règlement n° 996/2010 du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 sur les enquêtes et la prévention des accidents et des incidents dans l’aviation civile, une recommandation de sécurité ne constitue en aucun cas une présomption de faute ou de responsabilité dans un accident, un incident grave ou un incident. Les destinataires des recommandations de sécurité rendent compte à l’autorité responsable des enquêtes de sécurité qui les a émises, des mesures prises ou à l’étude pour assurer leur mise en œuvre, dans les conditions prévues par l’article 18 du règlement précité.