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Accident du Pilatus PC-12-47E immatriculé LX-JFD exploité par Jetfly Aviation survenu le 30/03/2020 en approche vers l’aéroport Nice-Côte-d’Azur (06)

Foudroiement en vol, dégâts structuraux observés au sol

Autorité en charge

France - BEA

Progression de l'enquête Cloturée
Progress: 100%

Rapport d'Enquête cat.2 : rapport de format simplifié, adapté aux circonstances de l'événement et aux enjeux de l'enquête.

En descente vers l’aéroport de Nice, l’équipage a tenté d’éviter des cellules orageuses en utilisant le radar météorologique de l’avion. Il a rencontré des conditions givrantes et des turbulences modérées. Peu de temps avant de sortir des nuages et alors que les conditions de vol devenaient plus calmes, l’avion a été foudroyé. Compte tenu de la répartition des éclairs enregistrés dans la même période, il est probable que la présence de l’avion ait participé au déclenchement du phénomène de décharge électrique. L’intensité du courant de décharge a été très importante et a provoqué des dégâts sur l’hélice que le constructeur n’avait encore jamais observés en conditions d’exploitation, sans toutefois que sa structure n’ait été compromise.
Quelques jours plus tard, lors de l’inspection de l’aéronef, d’autres dégâts, structurels, non liés au foudroiement, ont été découverts au niveau de l’aile gauche. L’aile a dû être remplacée.

L’enquête a montré que ces dégâts structuraux sont survenus entre le 16 novembre 2019, date de sortie de la dernière opération d’entretien et le 30 mars 2020, vol du foudroiement. Une surcharge de l’aile en vol en est probablement à l’origine même si un atterrissage dur ne peut pas être totalement exclu. Il n’a pas été possible de déterminer ni de dater précisément l’événement les ayant causés. Les conditions du dernier vol étaient propices à ce que des charges élevées soient appliquées à la structure. Cependant, les facteurs de charge, les vitesses et les valeurs de roulis enregistrés ne mettent pas en évidence de situation qui aurait pu entraîner une surcharge structurelle de l’aile pendant les six derniers vols.

Foudroiement en vol, dégâts structuraux observés au sol

1 - DÉROULEMENT DU VOL

Note : Les informations suivantes sont principalement issues de l’enregistreur de paramètres LDR1000, des comptes rendus de l’équipage, des enregistrements des radiocommunications ainsi que des données radar.

La pilote Commandant de bord effectue un vol au départ de l’aéroport Paris-le-Bourget (93) et à destination de Nice-Côte d’Azur. Ce vol a pour but de transporter un passager, copropriétaire de l’avion. L’avion fait partie d’une flotte de quarante PC-12, exploités par Jetfly Aviation, pour le compte exclusif des copropriétaires. Conformément au manuel de vol de l’exploitant pour les opérations non commerciales, la Commandant de bord est assistée d’une seconde pilote, appelée copilote(2) par l’exploitant. Elle accompagne la Commandant de bord afin de l’assister pour certaines tâches, en particulier la sécurité de l’aéronef et de ses occupants.

L’équipage indique que, pendant la descente en IMC (sans références visuelles extérieures) vers Nice, il rencontre de la turbulence et du givrage mais que les conditions ne lui semblent pas préoccupantes. À 15 h 11 (voir Figure 1, point 1), l’équipage demande au contrôleur de Nice la « liberté de cap » pour évitement(3). Le contrôleur lui répond qu’il peut changer de cap à discrétion. À 15 h 13, l’équipage s’annonce en vue du sol au FL 100 et continue la descente à vue. À 15 h 15, il indique qu’il est de nouveau au FL 100 et qu’il a perdu la vue du sol. Il demande un guidage radar pour poursuivre l’approche. Le contrôleur donne un cap 140° et l’équipage répond qu’il suivra un cap 110° pour évitement. Le contrôleur ajoute qu’il effectue un guidage radar jusqu’ à la verticale du terrain de Nice pour une approche à vue à l’issue.

À 15 h 22 (voir Figure 1, point 2), l’équipage descend au FL 060 et altère son cap de 30° à droite au cap 160° pour évitement. À 15 h 23 (voir Figure 1, point 3), l’équipage indique au contrôleur qu’il est « en bonnes conditions ». En traversant le FL 060 et alors qu’il retrouve des conditions plus calmes sans turbulence, il observe un éclair bref et entend un fort bruit de claquement. L’équipage rapporte que quelques secondes plus tard il est hors des nuages. Les paramètres liés à l’hélice et au turbomoteur restent normaux et aucun élément ne lui semble remettre en cause le fonctionnement de l’aéronef. Néanmoins, l’équipage décide de se poser rapidement à Nice.

À 15 h 24, l’équipage annonce au contrôleur que l’avion vient d’être foudroyé, demande le cap le plus direct possible et ajoute qu’il rencontre de bonnes conditions pour faire une manœuvre à vue. À la demande du contrôleur, l’équipage confirme qu’il a la vue du sol, qu’il rencontre de bonnes conditions et qu’il prend un cap direct vers le terrain. L’équipage indique qu’il ne ressent pas de vibration anormale jusqu’à la fin du vol. Les pompiers sont alertés et présents à l’arrivée de l’avion.

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Après le vol, l’équipage fait le tour de l’avion et remarque des dégâts liés au foudroiement au niveau de l’hélice et à l’arrière du fuselage.


2 - ORGANISATION DE L’ENQUÊTE

Le jour de l’événement, l’exploitant a notifié le foudroiement en vol aux services de la navigation aérienne française (DSNA) et à la Direction de l’aviation civile luxembourgeoise (DAC Luxembourg). Le BEA n’en est pas informé.

Quelques jours plus tard, lors de l’inspection de l’aéronef, les agents de maintenance observent des dégâts au niveau de l’aile gauche, non liés au foudroiement en vol. Le 4 juin 2020, l’exploitant informe la DAC Luxembourg que des dommages structurels ont été observés sur l’aile gauche.

Le 29 juin 2020, la DAC Luxembourg informe l’Administration des Enquêtes Techniques du Luxembourg (AET) du foudroiement et des dégâts sur l’aile gauche. L’AET contacte immédiatement le BEA qui commence à recueillir des informations auprès de l’exploitant et du constructeur de l’aéronef afin de décider de l’opportunité de l’ouverture d’une enquête de sécurité.

Le 9 juillet 2020, compte tenu des premiers éléments recueillis, le BEA décide de l’ouverture d’une enquête de sécurité. Les organismes d’enquête du Luxembourg (État d’exploitation), de la Suisse (État de construction) et des États-Unis (État de construction de l’hélice) nomment leur représentant accrédité et leurs conseillers techniques (respectivement l’exploitant et la Direction de l’Aviation Civile (DAC), le constructeur de l’aéronef et le constructeur de l’hélice).


3 - RENSEIGNEMENTS COMPLÉMENTAIRES

3.1 Licence et expérience de l’équipage
3.1.1 Commandant de bord


La Commandant de bord, âgée de 30 ans était titulaire d’une licence de pilote professionnel avion CPL (A) depuis septembre 2013 avec les qualifications :

- multi-moteur à pistons (MEP) ;
- de vol aux instruments multi-moteur (IR/ME) ;
- de classe Pilatus PC12 ; ˆ de vol acrobatique ;
- d’instructeur avion FI (A).

Elle totalisait 429 heures de vol sur type en tant que CdB, dont 27 sur les 30 derniers jours.

3.1.2 Copilote

La copilote, agée de 31 ans était titulaire d’une licence de pilote professionnel avion CPL (A) depuis octobre 2011 avec les qualifications :

- multi-moteurs à pistons (MEP) ;
- de vol aux instruments multi-moteur (IR/ME) ;
- de classe Pilatus PC12 ;
- de vol de nuit avion ;
- d’instructeur avion FI (A). Elle totalisait 600 heures de vol sur type, dont 27 sur les 30 derniers jours.

3.2 Informations sur l’aéronef, le moteur et l’hélice

Aéronef

Constructeur : Pilatus Aircraft Ltd.
odèle : PC12-47E.
Numéro de série : 1787.
Temps d’utilisation depuis neuf : 1 243 h 44.
Nombre d’atterrissages depuis neuf : 1 134.

Moteur

Constructeur : Pratt et Whitney Canada.
Modèle : PT6A-67P.
Numéro de série : RY0859.
Temps d’utilisation depuis neuf : 1 243 h 44.
Nombre de cycles depuis neuf : 1 130.

Hélice

Constructeur : Hartzell.
Modèle : HC-E5A-3A.
Numéro de série : SA593.
Il s’agit d’une hélice à pas variable avec cinq pales en matériaux composites. Temps d’utilisation depuis neuf : 1 243 h 44.

3.3 Renseignements sur le foudroiement en vol

L’avion était équipé d’un radar météorologique et d’un stormscope.

Il était également équipé d’un enregistreur léger de paramètres LDR1000. L’analyse des données enregistrées n’a pas permis de mettre en évidence le foudroiement en vol. 3.3.1 Dégâts consécutifs au foudroiement en vol Hélice Une pale de l’hélice a été endommagée par la foudre (voir Figure 2).

Les principaux dommages se situent dans la zone du bord de fuite de la pale. Cette zone est composée de mousse et d’une épaisseur de tissus de carbone de l’ordre de 1 mm. Cette zone n’est pas considérée comme structurelle. La pale n’est pas réparable.

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Le constructeur de l’hélice n’avait encore jamais observé en exploitation ce type de dommages dus à un foudroiement en vol. D’après son expérience, ils se produisent près de l’extrémité de la pale et plusieurs pales sont généralement affectées. La particularité de cet endommagement pourrait correspondre non pas à un point d’entrée mais à un point de sortie, c’est-à-dire un déplacement de la foudre de la cellule de l’aéronef vers la pale et non pas de l’atmosphère vers la pale. La sévérité de ce foudroiement est similaire à ce qui peut être observé en laboratoire lors de la certification de l’hélice et correspond à une énergie relativement élevée. Le constructeur de l’hélice estime que la pale endommagée est restée structurellement solide dans la zone du longeron et que l’hélice pouvait continuer à fonctionner sans défaillance ni rupture.

Après changement de la pale, l’hélice a subi une révision puis a été réinstallée sur l’aéronef.

Moteur

L’inspection complète du moteur montre que les principaux dommages observés étaient liés au foudroiement, en particulier :

- Présence de magnétisme résiduel au niveau de l’arbre d’hélice, du second étage du boîtier de l’engrenage planétaire, de l’arbre de turbine, du boitier de chambre de combustion, du compresseur, de l’entraînement du démarreur et générateur ;
- Traces d’arc électrique et points de métal fondu au niveau des roulements, du boîtier de réduction, de l’arbre d’entraînement du régulateur d’hélice, de l’arbre de transmission conique du régulateur d’hélice, du boîtier de l’engrenage satellite, du roulement et de l’axe d’entraînement du démarreur/générateur, du boîtier des engrenages d’accessoire ;
- Traces de frottement au niveau de l’extrémité des pales de compresseur de turbine ;
- Dégâts d’érosion et d’impacts sur les pales du compresseur ; ˆ Dégâts mécaniques sur une dent de l’arbre d’engrenage ;
- Marques et entailles sur l’orifice du boîtier de pompe de récupération d’huile.

Les dommages observés ne remettaient pas en cause la navigabilité du moteur.

Après le changement des pièces endommagées, le moteur a été réinstallé sur l’aéronef. Les démarreurs/générateurs ont également été vérifiés puis réinstallés.

Cellule

La quille latérale droite a été endommagée par la foudre (voir Figure 3).

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Après réparation, la quille a été réinstallée sur l’aéronef.

Avionique

Les calculateurs du système de protection contre le décrochage (pousseur de manche) et du stormscope ont été endommagés. Les autres systèmes de bord fonctionnent normalement.

3.3.2 Renseignements météorologiques

Informations météorologiques disponibles avant le vol

Avant d’effectuer le vol, l’équipage avait à sa disposition des informations météorologiques contenues dans le dossier de vol :

- Les METAR et TAF des aérodromes sur la route prévue, et en particulier à Nice. Les conditions météorologiques à Nice à 11 h 30 étaient les suivantes : vent du 110 pour 5 kt, visibilité supérieure à 10 km, nuages 3 à 4 octas à 1 100 ft, 1 à 2 octas à 3 300 ft (Cumulus Congestus), 3 à 4 octas à 10 000 ft, 5 à 7 octas à 23 000 ft, température 15 °C, température du point de rosée 11 °C, QNH 1 013 hPa, pas de changement significatif prévu dans les deux heures suivant l’observation.

Les prévisions météorologiques de Nice réalisées à 10 h 00 étaient les suivantes :

- Pour la période de 11 h 00 à 17 h 00, vent du 100 pour 7 kt, visibilité supérieure à 10 km, nuages 3 à 4 octas à 1 000 ft, 5 à 7 octas à 4 000 ft ;
- Fluctuations temporaires durant moins d’une heure et couvrant moins de la moitié de la période de 12 h 00 à 20 h 00 : 3 à 4 octas à 2 000 ft (Cumulus Congestus) ;
- Fluctuations temporaires durant moins d’une heure et couvrant moins de la moitié de la période de 14h 00 à 19 h 00 : 1 à 2 octas à 3 000 ft (Cumulo Nimbus).
- Une carte de temps significatif prévu sur la route valide à 14 h 00 et une carte en coupe verticale de prévisions réalisées à 08 h 00 basées sur les prévisions de WAFC Londres. Pendant la descente vers Nice, il était prévu des turbulences et des conditions givrantes modérées sous le FL 140.

Situation générale dans le sud-est de la France

Le jour du foudroiement, le temps est très perturbé, nuageux à tous les niveaux avec des cumulonimbus noyés dans la masse donnant des orages, excepté sur le littoral.

La turbulence est modérée à forte à proximité des systèmes orageux.

METAR de Nice à 15 h 30

Les conditions météorologiques étaient les suivantes : vent du 160° pour 5 kt, visibilité supérieure à 10 km, couverture nuageuse 3 à 4 octas à 1 100 ft, 1 à 2 octas à 3 300 ft (TCU), 3 à 4 octas à 10 000 ft et 5 à 7 octas à 23 000 ft, température +15 °C, température du point de rosée +11 °C, QNH 1 012 hPa.

Impacts de foudre entre 15 h 10 et 15 h 25 (voir Figure 4)

Un seul impact de foudre proche de la trajectoire de l’avion a été enregistré par Météo-France. Il est représenté par une croix rouge près de la commune de Grasse (06).

Le courant de décharge enregistré est très important (147.7 kA). À titre comparatif, l’intensité des autres impacts enregistrés sur la même période est inférieure à 20 kA. Les impacts enregistrés de plus de 100 kA sont parmi les plus puissants et sont très peu fréquents.

Compte tenu de la répartition des éclairs enregistrés dans la même période, il est probable que la présence de l’avion ait participé au déclenchement du phénomène de décharge électrique.

Analyse de l’image radar des précipitations à 15 h 25 (voir Figure 4)

L’image montre une réflectivité calculée sous les précipitations les plus fortes (pixels jaune), ce qui laisse supposer de la grêle. De manière générale, la turbulence est forte sous, dans et autour de tels Cumulonimbus. Cependant, la précision du radar météorologique (Météo-France) ne permet pas de donner plus de précision sur l’intensité de la turbulence de petite échelle. À 15 h 23, la position de l’impact de foudre (croix rouge sur la figure 4) est cohérente avec celle de l’avion.

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3.4 Renseignements sur les dégâts structuraux observés au sol

3.4.1 Description des dégâts structuraux

Les dégâts observés par les agents de maintenance se présentent sous la forme de déformations de la peau de l’aile gauche au niveau du bord d’attaque et sous l’aile (voir Figures 5 et 6).

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Un examen de l’aéronef a été réalisé chez Pilatus Maintenance à Stans en Suisse. Seule l’aile gauche présente des endommagements.

Des signes de dégâts structuraux majeurs sont observés sur la peau de l’aile gauche, pliée/froissée en diagonale à plusieurs endroits. Le bras du mécanisme de volet extérieur est déformé de façon permanente.

Les mesures de symétrie et d’alignement de la structure de la cellule n’ont pas mis en évidence de déformation significative. L’inspection des points d’attache de l’aile ainsi que la géométrie de ses points d’attache au fuselage n’ont pas mis en évidence de déformation permanente.

D’après le constructeur de l’aéronef, les dégâts constatés pourraient être la conséquence d’un atterrissage dur.

Cependant, certains dégâts qui pourraient être indicatifs d’un atterrissage dur ne sont pas présents :

- Pas de déformation sur le dessus de la voilure.

- L’ensemble du puits de train est exempt : d’écaille, de fissure, de traces de peinture.

- Le train principal gauche et l’amortisseur sont en bon état extérieur. La butée haute n’est pas marquée. Leur démontage n’a montré aucun dommage.

- Les points d’attache du train principal gauche ne présentent aucun dommage.

- Le pneumatique et la roue gauche sont en bon état.

Les observations effectuées sur l’aéronef semblent favoriser l’hypothèse de charges importantes en vol plutôt qu’un atterrissage dur. La remise en service de l’aéronef a nécessité le remplacement de l’aile gauche et de certaines parties du volet de bord de fuite.

3.4.2 Historique des opérations de maintenance

Une importante visite d’entretien a été réalisée sur le PC12 LX-JFD du 5 au 16 novembre 2019. L’aéronef avait effectué 997 heures de vol et 938 atterrissages depuis sa livraison neuf. Les opérations réalisées regroupaient celles des visites 300 heures, 300 heures/12 mois, 600 heures, 600 heures/12 mois et 1 200 heures/12 mois.

En particulier, l’état de surface des ailes ainsi que les bras de commande et les compartiments des volets de bord de fuite ont été vérifiés. Aucun dommage n’avait été observé.

3.4.3 Journal de bord

L’étude du carnet de route de l’aéronef depuis la dernière visite de novembre 2019 ne met en évidence aucun événement susceptible d’avoir pu occasionner des dommages structuraux.

3.4.4 Analyse des enregistrements de données de vol

L’analyse des données du Système d’aide à la maintenance (ACMS)(4) depuis la visite d’entretien de novembre 2019 n’a pas mis en évidence d’élément permettant de détecter d’atterrissage dur ou d’accélération susceptibles d’occasionner des dommages structuraux en vol.

L’échantillonnage de l’enregistrement des données ne permet pas d’affirmer s’il y a eu ou pas atterrissage dur. L‘ACMS n’est pas conçu pour la détection d’atterrissages durs, qui doivent être rapportés par le pilote.

Les données enregistrées dans le LDR1000 ont été analysées. Elles correspondent aux six derniers vols réalisés par le LX-JFD, dont le vol du 30 mars 2020 durant lequel l’aéronef a été foudroyé. Le 24 mars 2020, un atterrissage sur l’aérodrome de Denham, Grande Bretagne, a été réalisé avec une vitesse verticale calculée importante. Néanmoins, les facteurs de charge, les vitesses et les valeurs de roulis enregistrés ne mettent en évidence aucune situation pendant les six derniers vols qui aurait pu entraîner une surcharge structurelle de l’aile pendant ces vols.

3.4.5 Détection des surcharges structurelles

L’atterrissage dur n’est pas uniquement caractérisé par une limite maximale d’accélération verticale. Il dépend d’autres paramètres comme la vitesse verticale, la vitesse air, l’attitude et l’angle de roulis de l’aéronef, le taux de roulis et de tangage, la masse et le centrage de l’avion et la quantité de carburant dans les ailes. En conséquence, il n’existe pas sur PC12 de système de détection d’atterrissage dur. Sa détection repose principalement sur le ressenti du pilote et sur l’observation de dégâts ou déformations au niveau du train d’atterrissage ou de la peau extérieure de l’aile et du fuselage lors de la visite prévol et lors des opérations d’entretien.

La géométrie de l‘avion (positionnement du poste de pilotage en avant du train principal), la qualité des selleries et l’expérience des pilotes ont une influence sur le ressenti des accélérations anormales permettant de caractériser une surcharge structurelle.

Des limites opérationnelles de facteur de charge sont définies pour les opérations en vol. Elles sont enregistrées et détectées par l’ACMS. La localisation des accéléromètres ainsi que leur fréquence d’échantillonnage ne permettent cependant pas de mesurer des accélérations locales qui caractérisent des charges aérodynamiques élevées pouvant être induites par des manœuvres brusques.


4 - CONCLUSIONS

Les conclusions sont uniquement établies à partir des informations dont le BEA a eu connaissance au cours de l’enquête. Elles ne visent nullement à la détermination de fautes ou de responsabilités.

Scénario

En descente vers l’aéroport de Nice, l’équipage a tenté d’éviter des cellules orageuses en utilisant le radar météorologique de l’avion. Il a rencontré des conditions givrantes et des turbulences modérées. Peu de temps avant de sortir des nuages et alors que les conditions de vol devenaient plus calmes, l’avion a été foudroyé. Compte tenu de la répartition des éclairs enregistrés dans la même période, il est probable que la présence de l’avion ait participé au déclenchement du phénomène de décharge électrique. L’intensité du courant de décharge a été très importante et a provoqué des dégâts sur l’hélice que le constructeur n’avait encore jamais observés en conditions d’exploitation, sans toutefois que sa structure n’ait été compromise.

Quelques jours plus tard, lors de l’inspection de l’aéronef, d’autres dégâts, structurels, non liés au foudroiement, ont été découverts au niveau de l’aile gauche. L’aile a dû être remplacée.

L’enquête a montré que ces dégâts structuraux sont survenus entre le 16 novembre 2019, date de sortie de la dernière opération d’entretien et le 30 mars 2020, vol du foudroiement. Une surcharge de l’aile en vol en est probablement à l’origine même si un atterrissage dur ne peut pas être totalement exclu. Il n’a pas été possible de déterminer ni de dater précisément l’événement les ayant causés. Les conditions du dernier vol étaient propices à ce que des charges élevées soient appliquées à la structure. Cependant, les facteurs de charge, les vitesses et les valeurs de roulis enregistrés ne mettent pas en évidence de situation qui aurait pu entraîner une surcharge structurelle de l’aile pendant les six derniers vols.

Facteurs contributifs

Dans l’hypothèse où les dégâts structuraux seraient survenus avant le vol du foudroiement, les éléments suivants ont pu contribuer à leur détection tardive :

- La difficulté de détecter visuellement les déformations de la voilure pendant la visite prévol.
- Les spécifications du système d’aide à la maintenance (ACMS) qui ne permettent pas de caractériser un atterrissage dur ou une manœuvre brusque.
- La difficulté pour les pilotes de caractériser la sévérité d’une accélération anormale par leur simple ressenti, que ce soit en vol ou lors d’un atterrissage.

Enseignements de sécurité

La caractérisation de la surcharge d’une structure en vol ou au sol repose principalement sur le ressenti de l’équipage. En conséquence, il est possible que ce type d’événement ne conduise pas à un signalement et à une vérification de l’état de navigabilité de l’aéronef.

Dans ces conditions, une visite prévol attentive revêt toute son importance. En effet, elle constitue la dernière barrière de sécurité qui permette d’éviter d’effectuer un vol avec un aéronef endommagé structurellement. En particulier, des pliures au niveau de la peau des ailes et du fuselage, des parties mobiles de la voilure et des déformations des commandes de vol sont des signes qui doivent alerter le pilote et l’amener à demander l’avis d’un agent de maintenance.

(1) Sauf précision contraire, les heures figurant dans ce rapport sont exprimées en heure locale.
(2) Le Pilatus PC-12 est certifié pour être piloté avec un équipage de conduite de vol d’au moins un pilote.
(3) L’équipage utilise le radar météo et le radar de foudre (Stormscope) pour éviter les cellules orageuses