Accident du Piper - PA-46 - 350P immatriculé F-GUYZ survenu le 08/02/2019 à Courchevel (73)
Sortie longitudinale de piste lors de l'atterrissage, collision avec un monticule de neige
Rapport d'Enquête cat.2 : rapport de format simplifié, adapté aux circonstances de l'événement et aux enjeux de l'enquête.
Le vol, organisé via une société possédant une récente plateforme internet de mise en relation de propriétaires d’avion, de pilotes et de passagers, avait pour but de transporter trois passagers, pour un déplacement professionnel au départ de l’aérodrome de Toussus-Le-Noble.
Lors de la finale vers l’altiport de Courchevel, le pilote a sorti deux crans de volets sur trois. Les paramètres de l’avion n’étaient pas stabilisés. La vitesse en courte finale était cohérente avec la vitesse suggérée par l’instructeur lors de son lâché effectué la veille. Après l’arrondi, alors que l’avion était parallèle à la piste, le pilote a réduit tardivement la puissance. Cette réduction a eu lieu à mi-piste, à 270 m environ après le seuil de piste alors que la vitesse était toujours de 80 kt.
La distance restante était insuffisante pour un arrêt en sécurité de l’avion. Malgré les actions de freinage entreprises par le pilote pour tenter d’arrêter l’avion, celui-ci est sorti longitudinalement de piste et il est entré en collision avec un mur de neige.
Le BEA émet 2 recommandations de sécurité:
- Recommandations FRAN-2021-005 / Autorisation d’accès à un altiport:
Bien qu’ayant obtenu l’autorisation d’accès à l’altiport de Courchevel sur Jodel D140, un avion de la même classe que le PA-46, le pilote n’avait aucune expérience d’atterrissages à Courchevel aux commandes de ce dernier. Le PA-46 présente des caractéristiques (masse, vitesse, systèmes) bien différentes à celles du D140. Entre 2000 et 2018, au moins cinq accidents ont été répertoriés par le BEA sur un altiport impliquant des pilotes ayant effectué leur formation sur un avion dont les caractéristiques étaient différentes de celui exploité lors du vol de l’accident.
Les caractéristiques des avions d’une même classe peuvent différer significativement : performances au décollage et à l’atterrissage, configuration, procédures, gestion de certaines pannes comme la panne moteur.
Par ailleurs, un pilote titulaire d’une autorisation d’accès obtenue sur un avion de classe Monomoteur à pistons (SEP) peut atterrir sur un altiport avec un avion de classe ou de type différent dont il détient la qualification sans complément de formation.
En conséquence le BEA recommande que :
- considérant qu’une autorisation de site obtenue sur une classe d’avion particulière permet de la faire prévaloir sur d’autres classes d’avion ;
- considérant que les différences parfois significatives des caractéristiques entre avions de même classe peuvent avoir un impact en environnement contraint tel que l’atterrissage sur un altiport ;
La Direction générale de l’aviation civile (DGAC) impose qu’un complément de formation ou des critères d’expérience soient demandés en cas d’utilisation d’un avion dont la classe, le type ou les performances différent significativement de la classe ou du type de l’avion utilisé pour la formation à l’autorisation de site.
- Recommandations FRAN-2021-006 / Surveillance de l’activité :
Les sociétés ou plateformes internet de mise en relations de propriétaires d’aéronefs, pilotes et passagers n’ont pas l’obligation de se déclarer ou de se mettre en relation avec la DGAC. Les services proposés, peuvent sembler similaires à ceux du transport commercial pour un passager non averti. Les contraintes d’exploitation associées aux vols sont souvent importantes et s’exercent avec une pression difficile à gérer pour un pilote sans support opérationnel. Elles peuvent ainsi conduire les pilotes considérés à accepter d’entreprendre des vols pour lesquels ils ne maîtrisent pas suffisamment les risques.
Les exigences de sécurité associées à ces activités ne sont pas au niveau de celles du transport aérien commercial, en particulier pour l’évaluation et l’entraînement des pilotes.
La Direction de la sécurité de l’aviation civile (DSAC) et la Gendarmerie des transports aériens (GTA) effectuent de manière indépendante le contrôle des aéronefs et peuvent constater les infractions à la règlementation. Les actions actuellement menées ne permettent de rechercher activement et d’identifier les opérations aériennes proposées ou organisées par des plateformes internet qui s’apparenteraient à des opérations aériennes commerciales sans répondre aux exigences règlementaires en vigueur. Au cours de l’enquête, le BEA a pu identifier des propositions d’opérations aériennes sur des sites internet de mise en relation de passagers et de pilotes, qui pourraient être marginales par rapport à la règlementation relative au transport aérien. Ces informations pourraient être utilisées pour organiser des contrôles cibles. Une action coordonnée de la GTA et de la DSAC permettrait de mettre en œuvre de tels contrôles.
En conséquence le BEA recommande que :
- considérant le développement croissant des plateformes de mise en relation de passagers et de pilotes, dont certains vols s’apparentent à du transport commercial de passagers sans pour autant offrir le niveau de sécurité attendu ;
- considérant que certaines plateformes permettent le développement de l’activité d’aviation légère tout en respectant les règles en vigueur et participent ainsi au développement d’une culture aéronautique en France ;
- considérant que la GTA est placée pour emploi auprès du Directeur Général de l’Aviation Civile ;
La DGAC formalise un plan d’actions coordonnées entre ses services compétents et la GTA pour rechercher activement et identifier les opérations aériennes proposées ou organisées par des plateformes internet qui s’apparenteraient à des opérations aériennes commerciales sans répondre aux exigences règlementaires en vigueur, puis statuer clairement sur la licéité de ces opérations et faire cesser les opérations ne garantissant pas le niveau de sécurité requis.
Le suivi de cette recommandation est en cours
Suivi disponible sur SRIS2: cliquez ici
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Rappel : conformément aux dispositions de l’article 17.3 du règlement n° 996/2010 du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 sur les enquêtes et la prévention des accidents et des incidents dans l’aviation civile, une recommandation de sécurité ne constitue en aucun cas une présomption de faute ou de responsabilité dans un accident, un incident grave ou un incident. Les destinataires des recommandations de sécurité rendent compte à l’autorité responsable des enquêtes de sécurité qui les a émises, des mesures prises ou à l’étude pour assurer leur mise en œuvre, dans les conditions prévues par l’article 18 du règlement précité.