Accident survenu au Boeing 737 immatriculé F-GZHA exploité par Transavia le 01/10/2022 sur l'AD Nantes - Atlantique (44)
Arrondi tardif, atterrissage dur, rebond, en instruction
En descente à destination de Nantes, le copilote en adaptation en ligne (AEL) a rappelé au commandant de bord instructeur(TRI) ses difficultés à l’arrondi et son appréhension de ne pas reproduire le même type d’atterrissage ferme que celui réalisé la veille à Nantes en piste 21. Lors du briefing, l’approche non dans l’axe en piste 21, le profil de cette piste (« la bosse ») ainsi que l’évolution des conditions météorologiques ont été abordés par le copilote. Ces menaces n’ont pas été reprises par l’instructeur. La perception visuelle provoquée par la partie montante de la piste et le stress lié à la difficulté de l’atterrissage à Nantes n’ont fait pas l’objet de stratégie particulière de la part de l’instructeur pour les gérer. Le choix du moment où les automatismes seraient déconnectés n’a pas non plus été abordé à ce moment-là.
Lors de l’approche, vers 2 500 ft, le copilote a annoncé à l’instructeur qu’il déconnecterait les automatismes à une altitude de 2 000 ft, soit environ deux minutes avant d’atteindre les minima. Le copilote souhaitait profiter de la présence de l’instructeur pour piloter davantage en manuel et regagner en expérience. L’instructeur a pu laisser faire le copilote pour favoriser sa remise en confiance. Cependant, compte tenu de la présence de vent de travers, du plafond proche des minima et de la faible expérience récente du copilote, le pilotage manuel a probablement occasionné une charge de travail élevée pour le copilote.
À 1 NM du MAPTS et à une altitude d’environ 800 ft, le copilote a viré vers la gauche pour intercepter l’axe de piste. L’approche était stabilisée, le copilote a maintenu le plan de descente en suivant les indications du PAPI et la vitesse est restée proche de la vitesse d’approche de référence. Les annonces de corrections de l’instructeur jusqu’à très faible hauteur montrent que son attention était portée principalement sur le maintien de l’axe de piste.
Après le passage du seuil de piste 21, l’avion a tout d’abord évolué au-dessus de la partie descendante. À une hauteur comprise entre 40 et 30 ft, le copilote a commencé son action à cabrer au manche pour arrondir, sans réduire la poussée, mais cette action est restée insuffisante pour modifier l’assiette de l’avion. L’avion a ensuite commencé à survoler la partie ascendante de la piste. Entre les annonces « thirty » et « ten », espacées d’une seconde et représentant environ 80 m de vol, le copilote a appliqué une action franche et rapide à cabrer au manche, en le tirant à plus de trois quarts de débattement, avant de placer les manettes de poussée sur IDLE. Dans le même temps, l’instructeur a très probablement pris conscience du retard dans le début d’arrondi et, par réflexe, a annoncé « attention » au copilote. Ces actions franches et rapides à faible hauteur au-dessus de la partie montante de la piste n’ont pas permis de réduire l’énergie de l’avion avant le contact avec la piste.
Il est très probable que l’arrondi tardif résulte d’une perception erronée de la partie finale du plan de descente due à la pente ascendante de la piste et à l’attention principalement portée jusqu’à faible hauteur par les deux pilotes sur le maintien de l’axe de piste.
L’influence des caractéristiques de la piste, descendante puis montante, sur les annonces de hauteur de la voix synthétique n’a pas aidé le copilote à commencer l’arrondi et la réduction de poussée suffisamment tôt compte tenu de la pente ascendante avant la bosse.
L’instructeur n’a par ailleurs pas envisagé, durant l’arrondi, de reprendre les commandes et n’a très probablement pas eu le temps de le faire.
Le toucher du train principal dans la partie montante de la piste a été dur avec un facteur de charge enregistré de 2,95 g, à un taux de chute d’environ 12 ft/s. Les spoilers se sont déployé puis l’avion a rebondi.
La force de l’impact à l’atterrissage et le rebond ont surpris les deux membres d’équipage. Par réflexe, l’instructeur a appliqué une action franche à piquer au manche, jusqu’à la butée à piquer, qui a eu pour effet de diminuer rapidement l’assiette de l’avion. Cette diminution d’assiette combinée aux spoilers déployés a conduit à une diminution rapide de la portance de l’avion. Le train avant et le train principal droit ont touché simultanément la piste. Sous la violence de l’impact subi par le train avant, les deux pneus ont été éjectés de celui-ci, l’avion a poursuivi l’atterrissage en roulant sur les jantes.
L’instructeur a ensuite maintenu l’axe de piste pendant la décélération de l’avion avant de virer à gauche sur une voie de circulation pour immobiliser l’avion et libérer la piste.
Le fait que le TRI soit familier à l’approche 21 de Nantes et aux caractéristiques de la piste a pu minimiser :
• sa perception de la difficulté que pouvait représenter pour le copilote la réalisation d’un atterrissage sur cette piste dans ces conditions ;
• sa perception des risques associés aux appréhensions mentionnées par le copilote au sujet des atterrissages.
Le TRI a également pu vouloir laisser faire le copilote sans ajouter de stress supplémentaire, en vue de la remise en confiance du copilote après sa période d’interruption. L’atterrissage effectué par le copilote avec un fort vent de travers à Djerba a pu renforcer la confiance du TRI et amener une baisse de vigilance de sa part lors de l’approche et de l’atterrissage.
Le BEA émet 1 recommandation de sécurité
- Données relatives aux aérodromes et services d’information aéronautique [Recommandation FRAN-2024-019]
Le BEA recommande que :
- considérant que les pentes longitudinales de la piste à l’aéroport de Nantes – Atlantique sont supérieures à plusieurs endroits le long de la piste aux spécifications de certification ;
- considérant que ces dépassements ne sont pas publiés ni connus des exploitants aériens ;
considérant que toute information revêtant une importance particulière pour l’exploitation de l’aérodrome doit être transmise conformément à l’exigence ADR.OPS.A.015 ;
- considérant que la publication d’informations avertissant de manière plus claire des spécificités de l’aérodrome de Nantes – Atlantique serait de nature à améliorer la prise en compte de ces particularités par les exploitants aériens et leurs équipages ;
l’exploitant aéroportuaire Vinci, en coordination avec le SIA, fasse figurer dans l’AIP les non‑conformités identifiées de l’approche et de la piste.
Le suivi de cette recommandation est en cours
Suivi disponible sur SRIS2: cliquez ici
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Rappel : conformément aux dispositions de l’article 17.3 du règlement n° 996/2010 du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 sur les enquêtes et la prévention des accidents et des incidents dans l’aviation civile, une recommandation de sécurité ne constitue en aucun cas une présomption de faute ou de responsabilité dans un accident, un incident grave ou un incident. Les destinataires des recommandations de sécurité rendent compte à l’autorité responsable des enquêtes de sécurité qui les a émises, des mesures prises ou à l’étude pour assurer leur mise en œuvre, dans les conditions prévues par l’article 18 du règlement précité.