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Incident grave survenu au Cessna 525 immatriculé F-HGPG exploité par Valljet et à l'Embraer ERJ170 immatriculé F-HBXG exploité par HOP! le 12/01/2022 en croisière

Défaillance d’une chaîne anémo-barométrique en croisière, rapprochement avec un avion sans déclenchement des systèmes d’anticollision

Autorité en charge

France - BEA

Progression de l'enquête Cloturée
Progress: 100%

L’équipage du Cessna 525 CJ F-HGPG effectue un vol entre l’aérodrome Paris-Le Bourget (93) et l’aérodrome de Genève (Suisse).

Au cours de la montée, après une variation soudaine d’assiette à cabrer sous pilote automatique en mode IAS, l’équipage constate des vitesses erratiques sur l’anémomètre de l’ensemble 1. Après une courte phase de pilotage manuel, la montée a été poursuivie sous pilote automatique en mode VS. Plus tard, approchant le niveau de croisière, l’équipage s’est rendu compte d’un écart d’altitude entre les deux altimètres (ensemble 1 et ensemble 2). Le lever de doute, effectué avec l’aide du contrôleur disposant du niveau de vol diffusé par le transpondeur de l’avion sur son écran radar, n’a pas permis à l’équipage d’identifier que les indications altimétriques de l’ensemble 1 étaient erronées. La montée a été poursuivie vers le niveau de croisière sur la base d’une altitude erronée.

En croisière, après avoir constaté les écarts d’indications des altimètres gauche et droit, l’équipage a prévenu le contrôleur de la défaillance altimétrique à bord. Ce dernier a alors informé l’équipage d’un trafic (l’Embraer 170 F-HBXG) convergent à 2 NM a priori, 1 000 ft plus haut. Le trafic était en réalité plus bas (la séparation minimale a été évaluée à 665 ft et 1,5 NM). Aucun système d’anticollision, au sol ni à bord de l’Embraer 170, n’a émis d’alerte, les systèmes ayant analysé des données erronées provenant du Cessna 525. Par la suite, le contrôleur a demandé à l’équipage de désactiver le Mode C du transpondeur, il s’est coordonné avec les services de contrôle suisse et le vol s’est poursuivi jusqu’à Genève, sa destination.

Par ailleurs, le chef de salle du centre de contrôle a essayé de déterminer l’altitude réelle de l’avion avec l’aide du Centre National des Opérations Aériennes (CNOA), néanmoins ce dernier n’avait pas d’information d’altitude supplémentaire. Cependant, un autre paramètre, le calage altimétrique de l’avion, partagé par le CNOA au contrôleur, s’est avéré être erroné. L’enquête n’a pas permis de déterminer l’origine de cet écart.

L’enquête a montré que la défaillance du circuit anémo-barométrique de l’ensemble 1 (altimètre et anémomètre du CDB) était déjà survenue à trois reprises sur cet avion en 2017, 2019 et 2021.

Le BEA a émis six recommandations de sécurité concernant :

• la documentation de maintenance publiée par Textron Aviation ;

• la notification des défaillances techniques chez l’exploitant Valljet ;

• la fiche réflexe d’urgence de la DSNA relative au doute d’un pilote sur l’altitude de son vol ;

• les informations transmises par le CNOA ;

• l’analyse par l’AESA du risque que constitue la défaillance d’une chaîne anémo-barométrique.

1. Documentation de maintenance publiée par Textron Aviation [Recommandation FRAN-2023-016]

Le BEA recommande que :

- considérant qu’il n’existe pas de TSM pour le Cessna 525 ; 

- considérant que les tâches du manuel de maintenance relatives au système anémobarométrique excluent les avions modifiés par le bulletin de service SB525-34-41, bien que certaines actions prescrites dans cette tâche puissent être pertinentes pour ces avions modifiés ;

Textron Aviation complète la documentation de maintenance pour préciser la conduite à tenir en cas d’anomalie du système anémo-barométrique pour toutes les versions de Cessna 525, y compris pour les avions modifiés par le SB525-34-41. 

2 & 3 Notification des défaillances techniques chez l’exploitant Valljet [Recommandations FRAN-2023-017 & FRAN-2023-018]

Le BEA recommande que: 

- considérant les pratiques inadaptées observées au cours de l’enquête en matière de report des incidents techniques, notamment l’absence de report de défauts dans le CRM ;

- considérant qu’une partie de ces pratiques a perduré après l’incident grave du 12 janvier 2022, notamment l’absence de report de défauts dans le CRM ;

- considérant que l’exploitant semble persister à demander que la constatation d’un défaut technique en vol fasse l’objet d’une validation par des responsables ou référents en lien direct avec les opérations aériennes ;

- considérant que le paragraphe CAT.GEN.MPA.105 fait partie des exigences applicables aux équipages des exploitants de transport commercial ;

l’exploitant Valljet revoie son organisation, ses procédures et ses pratiques pour que les commandants de bord soient incités, conformément à l’exigence CAT.GEN.MPA.105 du règlement européen consolidé N°965/2012 dit « Air Ops », à renseigner eux-mêmes immédiatement les CRM relatifs aux défauts constatés à l’issue de chaque vol, sans devoir obtenir de validation préalable par un responsable d’exploitation ou par un pilote expert, et sans crainte que des mesures restrictives à leur encontre ne soient prises.

Le BEA recommande que:

- considérant les pratiques inadaptées observées au cours de l’enquête en matière de report des incidents techniques, notamment l’absence de report de défauts dans le CRM ;

- considérant qu’une partie de ces pratiques a perduré après l’incident grave du 12 janvier 2022, notamment l’absence de report de défauts dans le CRM ;

- considérant que l’exploitant semble persister à demander que la constatation d’un défaut technique en vol fasse l’objet d’une validation par des responsables ou référents en lien direct avec les opérations aériennes ; o considérant que l’exigence ARO.GEN.300 impose à l’Autorité de surveillance de vérifier « le maintien de la conformité aux exigences applicables des organismes qu’elle a certifiés » ;

- considérant que le paragraphe CAT.GEN.MPA.105 fait partie des exigences applicables aux équipages des exploitants de transport commercial ;

la DSAC s’assure que l’exploitant Valljet reste en pleine conformité avec le paragraphe CAT.GEN.MPA.105 du règlement européen consolidé (UE) N°965/2012 dit « Air Ops », au titre de l’exigence ARO.GEN.300 du même règlement, en recherchant activement toutes les informations utiles, telles que les comptes rendus des équipages, les données recueillies par l’OSAC au titre de la surveillance du CAMO de l’exploitant et de l’atelier de maintenance Part 145, et les échanges et correspondances entre les opérations aériennes, le CAMO, ainsi que le ou les atelier(s) de maintenance Part 145 auquel (auxquels) l’exploitant fait appel.

4. Fiche réflexe d’urgence pour le contrôleur [Recommandation FRAN-2023-019]

Le BEA recommande que :

- considérant que la procédure d’urgence relative au doute annoncé par un pilote sur l’altitude de son vol n’est pas directement accessible sur la position de contrôle ;

- considérant que la sollicitation d’un contrôleur par un pilote sur une question altimétrique devrait alerter le contrôleur ;

la DSNA s’assure que la procédure d’urgence relative au doute annoncé par un pilote sur l’altitude de son vol fasse l’objet d’une fiche réflexe d’urgence, mise à la disposition des contrôleurs sur leur position de contrôle et soit accompagnée d’une formation récurrente sur simulateur.

5. Informations transmises par le CNOA [Recommandation FRAN-2023-020]

Le BEA recommande que:

- considérant que des informations non fiables peuvent être transmises par le CNOA vers les prestataires de la navigation aérienne lors d’un lever de doute ;

le CNOA détermine les limites de ses systèmes et des données à sa disposition pour fournir des informations pertinentes aux partenaires aériens.

6. Analyse du risque que constitue la défaillance d’une chaîne barométrique [Recommandation FRAN-2023-021]

Le BEA recommande que:

- considérant que la défaillance d’une chaîne barométrique peut simultanément :
• entraîner directement une déviation d’altitude favorisant le rapprochement avec d’autres aéronefs ou avec le sol en vol contrôlé,
• compromettre la conscience de la situation des pilotes et des contrôleurs du fait des informations possiblement erronées dont ils disposent,
• compromettre le fonctionnement des systèmes de protection contre le risque de collision en vol ou le risque de collision avec le sol en vol contrôlé,

- considérant que des aéronefs relevant de critères de certification différents évoluent dans les mêmes espaces, réduisant ainsi l’efficacité des exigences les plus élevées vis-à-vis de ce risque ;

- considérant que l’analyse du risque que constitue la défaillance d’une chaîne barométrique n’est pas réalisée de manière globale ;

l’AESA poursuive et mène à bien l’analyse du risque que constitue la défaillance d’une chaîne barométrique en s’attachant à considérer le système dans sa globalité, et en tire le cas échéant les conclusions en matière d’actions de sécurité.

Recommandations émises par le BEA: information & suivi