Incident grave du BOEING 777- 228ER immatriculé F-GSPG exploité par Air France survenu le 02/05/2015 à proximité du Mont Cameroun (Cameroun)
Déclenchement de l'alarme EGPWS lors d’évitements de masses nuageuses, réalisation d’une manœuvre d’urgence, de nuit en croisière au FL90
Rapport d'Enquête cat.2 : rapport de format simplifié, adapté aux circonstances de l'événement et aux enjeux de l'enquête.
Au cours de la préparation du vol, les menaces liées au relief au départ de Malabo, aux conditions météorologiques et à des communications ATC nombreuses ont été identifiées et ont conduit le commandant de bord (CDB) à demander au copilote de renfort une attention particulière pendant tout le vol.
Après le briefing et avant le départ, l’équipage était attentif à l’évolution météorologique et a recherché des informations actualisées à plusieurs reprises afin de décider du meilleur moment pour partir. L’information selon laquelle deux avions avaient pu atterrir a conduit l’équipage à débuter le vol.
Peu après le décollage, l’équipage a viré à droite pour rejoindre la route du plan de vol, en prenant soin de tourner de manière à éviter le relief de Malabo. Les deux pilotes avaient positionné leurs écrans de navigation (ND) en mode Weather, ce qui différait de la répartition prévue pendant le briefing pré-vol. Ce choix de réglage pourrait traduire la préoccupation du CDB (PM) pour les évitements des cumulonimbus, alors que la croisière se faisait au-dessus de l’eau et que le relief de Malabo avait été évité après le décollage. Ce choix était cohérent avec les menaces identifiées lors du briefing.
L’évitement des masses orageuses a conduit l’équipage à sortir significativement de la route prévue par le plan de vol. Bien que la proximité du Mont Cameroun ait été évoquée lors du briefing, le risque de rapprochement dangereux avec ce relief n’a pas été identifié.
L’équipage a géré sa trajectoire avec comme préoccupations l’évitement des masses nuageuses et les communications avec les contrôleurs aériens. Il s’est éloigné ainsi de la route prévue par le plan de vol et s’est rapproché du Mont Cameroun situé au nord de la route prévue.
Le copilote (PF) a cherché à lever le doute sur la nature des larges échos rouges affichés par le radar météorologique en passant temporairement son ND en mode Terrain. Bien que techniquement adaptée, cette action a été réalisée pendant un temps trop court (cinq à six secondes) pour que le radar de l’avion ne construise une image complète de la situation. Cela a conduit le PF à penser que le Mont Cameroun était devant eux.
Lorsque le CDB (PM), quelques instants plus tard, a suggéré de tourner à droite pour rejoindre le début de l’arc DME, il pensait qu’ils se situaient au sud sud-ouest du Mont Cameroun. Cette erreur de représentation a été favorisée par la présentation de la carte papier utilisée pour naviguer.
Le PF a encore douté de leur position exacte et de la nature de l’écho à droite, mais ne l’a pas verbalisé. Après un temps d’hésitation, il a suivi la suggestion du commandant de bord (PM). Ce doute a été manifesté par une mise en virage lente du PF.
Une trentaine de secondes après la mise en virage, les alertes EGPWS « TERRAIN AHEAD » puis « PULL UP » ont retenti et les deux ND sont passés en mode Terrain.
Le déclenchement de ces alertes a permis au PF de prendre conscience de la présence du Mont Cameroun. La réaction à l’alarme a été rapide. Lors de la réalisation de la manœuvre d’urgence, le PF a maintenu dans un premier temps l’inclinaison, ce qui a fait l’objet d’une annonce du copilote de renfort.
Au cours de la manœuvre, préoccupé par le risque de collision avec un autre trafic, le CDB (PM) a observé l’environnement extérieur et a demandé au PF de stopper la montée au FL 110 puis au FL 120 alors que le sommet du Mont Cameroun est supérieur à ces altitudes. Cette préoccupation a été motivée par la survenue d’une collision en vol avec un autre trafic lors d’une séance de simulateur du CDB quelques mois avant l’incident.
Le contrôleur aérien, acteur notamment de la prévention des collisions entre aéronefs, n’a pas été informé de la manœuvre et de la sortie de l’altitude assignée.
La montée a été interrompue au FL 130, en dessous de l’altitude de sécurité grid MORA, et le vol a été poursuivi sans autre incident jusqu’à l’atterrissage. Au cours de l’approche, le CDB a sollicité le copilote pour savoir s’il se sentait en mesure de rester en fonction. Cette demande, faite d’une voix calme, a aidé ce dernier à rester concentré sur la conduite du vol jusqu’à l’atterrissage.