Incident grave du Bombardier CRJ 1000 immatriculé F-HMLD exploité par Hop! survenu le 20/10/2021 à l'approche de Nantes-Atlantique (44)
Erreur de collationnement du calage altimétrique (QNH), déclenchement d’une alarme MSAW en approche finale
Lorsque l’équipage du F-HMLD a été autorisé à descendre à la première altitude sous le niveau de transition et à réaliser l’approche sur la piste 21, le PM a collationné le QNH de manière erronée en mentionnant un calage altimétrique QNH de 1 021 au lieu de 1 002. Cette erreur n’a pas été relevée par le contrôleur ni par la PF.
Au moment du changement de calage altimétrique, la procédure a été appliquée de manière incomplète par l’équipage, qui a omis de valider la cohérence du QNH fourni par le contrôleur avec une autre source d’information, en raison des turbulences subies pendant cette phase de vol rendant difficile la lecture des informations notées sur le plan de vol.
En raison de cette erreur de QNH, la trajectoire de l’aéronef pendant l’approche était environ 530 ft plus bas que la trajectoire publiée. Cependant les procédures et les informations sur les instruments de bord ne permettaient pas d’identifier directement l’erreur de trajectoire de manière simple.
L’unique information instrumentale qui pouvait permettre à l’équipage de détecter cette erreur de QNH était la valeur de radiosonde, anormalement basse en comparaison des altitudes de la procédure, en prenant en compte l’altitude du terrain survolé. Cette vérification n’est pas clairement définie par les procédures opérationnelles standard.
L’altitude affichée sur l’écran de visualisation radar, qui est une altitude standard, ne permettait pas au contrôleur de détecter de manière simple que l’avion n’effectuait pas le palier d’approche intermédiaire à l’altitude publiée. De plus, il n’incombe pas au contrôleur de réaliser cette vérification.
Les contrôles de plan de descente lors d’une approche RNP avec guidage Baro-VNAV ne permettent pas de détecter une erreur de trajectoire liée à une erreur de calage altimétrique. Cette limitation intrinsèque des approches RNP avec guidage Baro-VNAV est une menace connue et celle-ci est régulièrement rappelée aux pilotes par l’exploitant, au cours de leurs formations périodiques ou à travers des communications internes de sécurité des vols.
Alors que l’avion approchait le point d’approche interrompue, une alarme MSAW a été déclenchée au niveau du poste de la contrôleuse LOC. Cette dernière a informé l’équipage de cette alarme, sans rappeler initialement le QNH et sans inclure le mot « immédiatement » dans le message. Les échanges entre l’équipage et la contrôleuse ont duré près de trente secondes avant que l’équipage ne comprenne son erreur et corrige la trajectoire verticale.
L’équipage n’a pas effectué de remise de gaz, comme demandé par la procédure MSAW décrite dans le manuel d’exploitation. Il a poursuivi l’approche car, étant à vue et ayant conscience de la présence de mauvais temps sur la trajectoire d’approche interrompue, il a considéré plus raisonnable de poursuivre l’approche.
Par définition des critères de stabilisation, l’approche était déstabilisée. Pendant l’approche finale, du fait des limitations liées aux erreurs de calage altimétrique lors de l’utilisation du guidage Baro‑VNAV, l’équipage ne pouvait pas prendre conscience de cette déstabilisation. La perception de l’équipage de cette déstabilisation n’a pu survenir qu’au moment de l’alarme MSAW.
Le BEA émet 4 recommandations de sécurité:
- Recommandations FRAN-2023-007, FRAN-2023-008, FRAN-2023-009 et FRAN-2023-010 / Mise en cohérence des procédures et de la phraséologie en cas d'alarme relief :
Les expressions conventionnelles, définies par les règles de l’air (règlement SERA) et par l’arrêté du 11 décembre 2014 relatif à la mise en œuvre du règlement européen (UE) n° 923/2012, établissent qu’en cas d’avertissement d’altitude basse, le message inclut la notion d’urgence introduite par l’expression « immédiatement » et l’information de QNH. En cas d’alerte proximité du relief, l’expression conventionnelle n’inclut pas ces éléments. La notion d’alerte proximité de relief n’est pas définie et l’enquête n’a pas pu déterminer les raisons pour lesquelles l'information de QNH et l’expression « immédiatement » ne sont pas incluses dans ce cas.
La phraséologie établie dans les manuels et consignes opérationnels utilisés par les services de la navigation aérienne français est différenciée selon que le trafic pour lequel l’alarme MSAW est déclenchée est en guidage radar ou pas. Cette différenciation est cohérente avec le texte de règlementation nationale relatif aux procédures, mais incohérente par rapport aux textes nationaux relatifs à la phraséologie.
Ces incohérences entre procédure et phraséologie d’une part, règlementation et procédures opérationnelles d’autre part, semblent être à l’origine du fait que la phraséologie établie dans les documents opérationnels et manuels de référence utilisés par les services de la navigation aérienne français varie selon les documents existants. Le BEA n’a pas obtenu d’explication claire sur ces incohérences.
Cette variabilité de la phraséologie relative à une alarme MSAW dans les documents opérationnels (consignes opérationnelles, manuel d’exploitation) n'est pas de nature à faciliter la connaissance juste et sans ambiguïté du message à utiliser en cas d’alarme MSAW par les contrôleurs aériens.
L’émission d’un message d’alerte approximatif a été observée dans cet événement et dans celui de l’Airbus A320 immatriculé 9H-EMU exploité par AirHub survenu le 23 mai 2022 en approche vers l’aéroport Paris-Charles de Gaulle (voir § 2.9). Dans les deux cas, les contrôleurs n’ont pas rappelé la valeur de QNH ni souligné l’urgence de la situation par l’utilisation du mot « immédiatement ».
En conséquence, le BEA recommande que :
- considérant que l’information de QNH est indispensable pour que l’équipage d’un aéronef puisse effectivement vérifier son altitude ;
- considérant que l’utilisation du mot « immédiatement » est importante pour que l’équipage prenne conscience de l’urgence de la situation ;
- considérant la variabilité dans les différents documents de la DSNA sur la fourniture de ces deux informations ;
la DSNA, sans attendre les autres actions attendues de l’AESA et de l’OACI, s’assure que l’ensemble des documents relatifs à la phraséologie et aux procédures MSAW évolue dans le sens de :
• mentionner systématiquement l’urgence de la situation,
• rappeler systématiquement le QNH dans le message à utiliser par les contrôleurs en cas d’alarme MSAW. [Recommandation FRAN 2023-007]
Dans le Doc 4444 de l’OACI (Procédures pour les services de navigation aérienne), ainsi que dans les textes de règlementation française, la procédure à appliquer en cas d’alarme MSAW est différenciée selon que l’aéronef pour lequel l’alarme est déclenchée est en guidage radar ou pas.
Dans le Doc 4444 et le Doc 9432 de l’OACI (Manuel de radiotéléphonie), ainsi que dans les textes de règlementation européenne et française, la phraséologie en cas d’alarme MSAW est différenciée selon qu’il s’agisse d’un avertissement d’altitude basse ou d’une alerte proximité du relief. Ces notions ne sont pas définies par ailleurs dans ces textes.
La phraséologie établie dans les manuels et consignes opérationnels utilisés par les services de la navigation aérienne français est différenciée selon que le trafic pour lequel l’alarme MSAW est déclenchée est en guidage radar ou pas. Cette différenciation est cohérente avec le texte de règlementation nationale relatif aux procédures, mais incohérente par rapport aux textes nationaux relatifs à la phraséologie.
Ces incohérences entre procédure et phraséologie d’une part, règlementation et procédures opérationnelles d’autre part, semblent être à l’origine du fait que la phraséologie établie dans les documents opérationnels et manuels de référence utilisés par les services de la navigation aérienne français varie selon les documents existants.
Le BEA a interrogé les instances à l’origine de la rédaction de ces textes et n’a pas obtenu d’explications claires.
Cette variabilité de la phraséologie relative à une alarme MSAW dans les documents opérationnels (consignes opérationnelles, manuel d’exploitation) et manuels de référence n'est pas de nature à faciliter la connaissance juste et sans ambiguïté du message à utiliser en cas d’alarme MSAW par les contrôleurs aériens.
L’émission d’un message d’alerte approximatif a été observée dans cet événement et dans celui de l’Airbus A320 immatriculé 9H-EMU exploité par AirHub survenu le 23 mai 2022 en approche vers l’aéroport Paris-Charles de Gaulle (voir § 2.9).
Or, comme l’indique l’OACI en avant-propos du Doc 9432, la phraséologie est développée pour permettre des communications efficaces, claires, concises et sans ambiguïté.
En conséquence, le BEA recommande que :
- considérant que les notions d’avertissement basse altitude et d’alerte de proximité du relief utilisées pour établir la phraséologie à utiliser en cas d’alarme MSAW par le Doc 4444 et le Doc 9432 de l’OACI, le règlement européen SERA et par l’arrêté français du 11 décembre 2014 relatif à la mise en œuvre du règlement d'exécution (UE) n 923/2012, ne sont pas définies dans ces documents ;
- considérant que les procédures à appliquer par les contrôleurs en cas d’alarme MSAW décrites dans le Doc 4444 de l’OACI et dans le supplément national FRA.11002 au SERA sont basées sur les cas sous guidage radar et sans guidage radar ;
- considérant que l’information de QNH est indispensable pour que l’équipage d’un aéronef puisse effectivement vérifier son altitude ;
- considérant que l’utilisation du mot « immédiatement » est importante pour que l’équipage prenne conscience de l’urgence de la situation ;
l’AESA, sans attendre une évolution des documents de l’OACI, développe des guides (Guidance Material (GM)) visant à clarifier dans le règlement SERA les procédures et la phraséologie à utiliser par les contrôleurs à destination des équipages en cas d’alarme MSAW, et s’assure que le SERA évolue dans le sens de mentionner systématiquement l’urgence de la situation et de rappeler systématiquement le QNH dans le message à utiliser par les contrôleurs en cas d’alarme MSAW. [Recommandation FRAN 2023-008]
l’AESA engage les actions internationales en lien avec l’OACI pour résoudre également les incohérences et ambiguïtés dans le Doc 4444 et le Doc 9432 afin que ceux-ci prévoient systématiquement l’information d’urgence et de QNH et évoluent si possible vers une phraséologie simple et unifiée. [Recommandation FRAN 2023-009]
l’OACI s’assure que les incohérences entre procédures et phraséologie en cas d’alarme MSAW figurant dans les Doc 4444 et le Doc 9432 soient levées, et s’assure que ces documents évoluent dans le sens de mentionner systématiquement l’urgence de la situation et de rappeler le QNH dans le message à utiliser par les contrôleurs en cas d’alarme MSAW. [Recommandation FRAN 2023-010]
Le suivi de ces recommandations est en cours
Suivi disponible sur SRIS2: cliquez ici
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Rappel : conformément aux dispositions de l’article 17.3 du règlement n° 996/2010 du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 sur les enquêtes et la prévention des accidents et des incidents dans l’aviation civile, une recommandation de sécurité ne constitue en aucun cas une présomption de faute ou de responsabilité dans un accident, un incident grave ou un incident. Les destinataires des recommandations de sécurité rendent compte à l’autorité responsable des enquêtes de sécurité qui les a émises, des mesures prises ou à l’étude pour assurer leur mise en œuvre, dans les conditions prévues par l’article 18 du règlement précité.
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