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Accident du Piper PA28 immatriculé HB-PNP survenu le 23/07/2020 à Bâle-Mulhouse (68)

Incendie en vol, atterrissage d’urgence

Autorité en charge

France - BEA

Progression de l'enquête Cloturée
Progress: 100%

À la fin des travaux d’installation d’une nouvelle avionique GARMIN et d’un pilote automatique, les essais au sol se sont déroulés normalement. Le STC de GARMIN ne requérait pas de vol de contrôle ; l’approbation pour remise en service (APRS) a alors été délivrée par un technicien de l’atelier d’entretien.

Le propriétaire de l’avion qui souhaitait vérifier le bon fonctionnement des systèmes installés et se familiariser avec leur utilisation a alors demandé à un pilote instructeur qui connaissait l’avionique installée d’effectuer le premier vol avec lui. Ils étaient accompagnés par un technicien en électronique qui avait participé aux travaux.

Lors du vol, l’indication anormalement élevée de l’ampèremètre à environ 70 A (correspondant à la graduation maximale de l’ampèremètre), et supérieure de plus de 30 A aux valeurs normales, n’a pas été interprétée par le pilote et les passagers comme le signe d’une défaillance électrique (surcharge). Ils ont considéré qu’il s’agissait de la conséquence d’une mise en charge de la batterie qu’ils pensaient partiellement déchargée. 

La procédure relative à une surcharge électrique n’a ainsi pas été considérée et le vol a été poursuivi. Les personnes à bord ne savaient pas que la batterie avait été totalement rechargée la veille. Cette absence d’information a pu contribuer à favoriser l’interprétation erronée de la situation de surcharge électrique indiquée par l’ampèremètre.

L’ensemble des endommagements observés et des informations collectées lors des différents examens et essais indiquent qu’un défaut d’isolement au droit d’un point de fixation du radiateur du dispositif à diodes a très probablement entraîné une continuité électrique entre ce radiateur et le plancher de l’avion. Du fait de ce court-circuit, l’alternateur de l’avion a délivré sa puissance maximale, expliquant l’intensité excessive constatée par le pilote et ses passagers durant l’événement.

Cette intensité excessive a très probablement conduit à un échauffement intense du dispositif à diodes au droit de la zone du court-circuit, puis à l’inflammation du capot de protection en plastique ABS. Les flammes se sont ensuite propagées à l’intérieur du compartiment puis de la soute à bagages. Les essais ont montré que le capot en ABS était un facteur aggravant dans la propagation de l’incendie.

Dès que les personnes à bord ont senti l’odeur « électrique », le pilote a appliqué la procédure d’urgence « incendie en vol » et décidé d’atterrir le plus rapidement possible. Les flammes ont envahi la cabine peu après. Le pilote et les passagers ont évacué l’avion pendant le roulement à l’atterrissage réalisé à une vitesse élevée. L’extincteur situé sous le siège avant droit n’a pas été utilisé. Il est cependant très probable que son utilisation n’aurait pas permis d’atteindre l’incendie en son foyer. Il aurait éventuellement pu ralentir sa vitesse de propagation.

Les éléments collectés lors de l’enquête ne permettent pas de dater précisément l’inflammation du capot du dispositif à diodes. Par conséquent, l’enquête ne permet pas d’affirmer que l’application de la procédure d’urgence liée à une surcharge après que le pilote s’est aperçu de l’indication de l’ampèremètre aurait permis d’éviter l’incendie. Ce dernier aurait pu débuter avant l’observation de la surcharge survenue environ quinze minutes après le décollage.

Les tests de consommation électrique réalisés à la fin des travaux et les essais au sol effectués avant le vol de l’accident s’étaient déroulés sans dysfonctionnement. Ces derniers réalisés avec le groupe de parc branché ne permettaient pas de mettre en évidence un tel court-circuit car l’alternateur n’était pas sollicité. 

Selon les témoignages du personnel ayant réalisé les travaux d’installation de la nouvelle avionique, le dispositif à diodes n’a pas été démonté ni contrôlé. La revue de la documentation de maintenance de l’avion indique qu’aucune action de maintenance (contrôles ou démontage) n’a été réalisée sur ce dispositif à diodes. Piper ne prévoit pas d’actions de maintenance sur cet équipement au cours de la vie de l’avion. Les examens réalisés attestent de la présence des quatre rondelles isolantes et des quatre vis permettant la fixation du dispositif sur le plancher de l’avion lorsque l’échauffement s’est produit. Les observations réalisées sur un autre avion du même type équipé d’un dispositif à diodes similaire montrent des fissures et des déformations sur les rondelles isolantes. 

L’enquête n’a pas pu déterminer l’origine exacte du défaut d’isolement entre le radiateur du dispositif à diodes et le plancher de l’avion à l’origine du court-circuit. Il pourrait s’expliquer par une combinaison :

  • d’une usure des rondelles isolantes et,
  • d’une conséquence indirecte des travaux réalisés lors de l’installation de la nouvelle avionique (choc involontaire sur le dispositif, introduction de résidu ferreux lors des opérations de perçage, etc.). 

Examen de l'Epave (anglais)

 

Le BEA émet 3 recommandations de sécurité

- Vérification de l’isolement du dispositif à diodes  [Recommandations FRAN-2024-015, FRAN-2024-016 & FRAN-2024-017]

Le BEA recommande que :

- considérant que la publication par Piper du bulletin de service SB N°623 en novembre 1978 indique que ce constructeur avait eu connaissance de cas de courts-circuits générés par l’absence ou le mauvais positionnement de l’une des rondelles isolantes entre le dissipateur thermique du dispositif à diodes et le plancher de l’avion ; 
- considérant que ce SB était applicable à tous les avions fabriqués par Piper avant novembre 1978 et équipés de ce type de dispositif à diodes. Le Piper PA-28RT-201T fabriqué à partir de 1979 n’était pas concerné par ce SB qui n’avait pas été mis à jour depuis ;
- considérant que la documentation de maintenance de Piper ne requiert pas de contrôle de l’état de l’isolement entre le radiateur du dispositif à diodes et le plancher de l’avion ; 
- considérant que les PA-28RT-201T ont été construits entre 1979 et 1992 et que certains de ces avions sont donc équipés de rondelles isolantes de plus de 40 ans ; 
- considérant que l’examen de ce dispositif sur un autre PA-28RT-201T a montré la présence d’usure sur ces rondelles sous forme de fissures. Ces fissures pourraient aboutir à la mise en contact du radiateur avec le plancher, créant ainsi un court-circuit et pouvant entraîner un incendie en enflammant le capot en ABS ;

Piper mette en place une procédure de maintenance afin de s’assurer que les rondelles isolantes du dispositif à diodes sur les avions équipés d’un tel dispositif assurent leur rôle d’isolant tout au long de leur cycle de vie ;

Piper évalue la nécessité de remplacer le capot en ABS par un autre dispositif dans un matériau permettant de limiter les risques de propagation d’un feu ;

l’AESA, en coordination avec la FAA, s’assure que le risque d’incendie à la suite d’un court-circuit au niveau des points de fixation du dispositif à diodes est maîtrisé par les constructeurs d’aéronefs utilisant un dispositif à diodes semblable à celui du HB-PNP.

Le suivi de ces recommandations est en cours

Suivi disponible sur SRIS2: cliquez ici

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Rappel : conformément aux dispositions de l’article 17.3 du règlement n° 996/2010 du Parlement européen et du Conseil du 20 octobre 2010 sur les enquêtes et la prévention des accidents et des incidents dans l’aviation civile, une recommandation de sécurité ne constitue en aucun cas une présomption de faute ou de responsabilité dans un accident, un incident grave ou un incident. Les destinataires des recommandations de sécurité rendent compte à l’autorité responsable des enquêtes de sécurité qui les a émises, des mesures prises ou à l’étude pour assurer leur mise en œuvre, dans les conditions prévues par l’article 18 du règlement précité.