La prévention des collisions, que ce soit en vol ou au sol à forte énergie, est la principale mission du contrôle aérien. Si les accidents de ce type ont été rares ces dernières années, probablement grâce au développement de systèmes de prévention et de récupération, la collision entre un De Havilland DHC8 et un Airbus A350 à Tokyo (Japon) au début de l’année 2024 ainsi que la survenue fréquente d’incidents voire d’incidents graves doivent contribuer à rappeler le potentiel catastrophique d’une collision de cette nature et à interroger la robustesse de nos barrières. Dans la plupart des cas, ces événements mettent en évidence la criticité des coordinations et des communications sol/bord et sol/sol.
1. Autorisation d’atterrissage sur une piste occupée par un autre avion au seuil de piste
Le 31 décembre 2022 à Bordeaux-Mérignac, l’équipage de l’Airbus A320 immatriculé OE-INE a été autorisé à atterrir sur la piste 23 alors qu’un Robin DR400 était en attente au seuil de piste depuis environ quatre minutes. Le pilote du DR400 qui n’avait pas connaissance de la position exacte de l’A320 a rappelé sa position au contrôleur. Ce dernier a alors pris conscience de la situation et ordonné la remise de gaz. L’équipage de l’A320 qui visait le point d’aboutissement en aval du seuil n’avait pas identifié la présence du DR400. La hauteur minimale de l’A320 au cours de l’incident a été estimée à 103 ft à environ 260 m du seuil de piste 23 et il a survolé le DR400 à une hauteur de 178 ft (environ 53 m). L’enquête a montré que l’effectif de la tour de contrôle était réduit au moment de l’événement. Un seul contrôleur gérait alors simultanément les positions SOL, LOC, APP et SIV ce qui a contribué à l’oubli du DR400 au seuil de piste.
2. Lapsus lors de la délivrance de la clairance d’atterrissage par le service de contrôle, collationnement non vérifié, interruption de l’approche en courte finale sur demande d’un avion en cours d’alignement
L’incident grave survenu au Boeing 787 immatriculé N16009 le 20 juillet 2020 sur l’aéroport Paris-Charles de Gaulle résulte d’un lapsus du contrôleur qui a autorisé l’équipage à atterrir sur la piste parallèle du même doublet, sur laquelle l’équipage de l’Airbus A320 immatriculé OE-IJF avait été autorisé à s’aligner. L’absence de vérification du collationnement par le contrôleur et l’absence de levée de doute par l’équipage du 787 n’ont pas permis de détecter l’erreur. La situation a été détectée par l’équipage de l’A320 alors qu’il s’alignait sur la piste. Il a questionné le contrôleur sur la présence du 787 en finale et devant l’imminence d’une potentielle collision, l’équipage de l’A320 a demandé à l’avion en finale de remettre les gaz. L’équipage du 787 ayant visuel sur l’A320 sur la piste a interrompu son approche.
3. Alarme Windshear en approche finale, déviation de trajectoire lors de l’approche interrompue, rapprochement anormal avec un avion au décollage sur piste parallèle, avis de résolution TCAS
L’enquête sur l’incident grave survenu à l’Embraer ERJ170 immatriculé F-HBXK le 21 octobre 2020 à Paris-Charles de Gaulle a questionné les conditions opérationnelles d’interruption de la procédure WINDSHEAR. Dans cet événement, l’équipage a réagi à une alarme de cisaillement de vent en interrompant l’approche et en maintenant les ailes horizontales, comme dicté par la procédure correspondante. Cette manoeuvre, conduite par conditions de fort vent traversier, a contribué au rapprochement avec l’Airbus A320 immatriculé OO-SNE au décollage sur la piste parallèle du même doublet.
4. Incursion de véhicules de déneigement autorisés à pénétrer sur la piste, interruption du roulement au décollage d’un avion
Le 14 novembre 2019, alors qu’une importante quantité de neige était tombée et que les conditions LVP étaient en vigueur sur l’aéroport Lyon St Exupéry, le contrôleur SOL a autorisé les véhicules à pénétrer sur la piste intérieure pour déneiger la jonction entre un taxiway et la piste et les a gardés sur la fréquence SOL. Au même moment, sur la fréquence TWR, le contrôleur LOC a autorisé l’équipage d’un Boeing 737 à s’aligner et à décoller de cette même piste. L’enquête a notamment mis en avant que le plan neige, défini de façon trop formelle, était en partie déconnecté des réalités opérationnelles. Cela a pu induire une charge de travail élevée pour les contrôleurs. Par ailleurs, il manquait un cadre clair concernant l’utilisation des fréquences pour les véhicules.
5. Perte de séparation entre un avion au décollage et un avion en remise de gaz, avis de résolution TCAS
Le 12 avril 2019 à Strasbourg, sans que la charge de trafic le nécessite, probablement dans une recherche d’optimisation et d’efficacité, le contrôleur a inséré un avion au décollage entre deux avions à l’atterrissage. Il n’a pas régulé la vitesse d’approche d’un Boeing 737 puis a informé tardivement l’équipage de ce dernier que l’autorisation d’atterrissage serait tardive. La stratégie choisie n’offrait pas de marges et ne permettait pas de prendre en compte d’éventuels inattendus, tels que le délai d’évacuation de la piste par l’avion précédent ou le délai de l’équipage de l’avion au décollage à entamer sa manoeuvre, malgré une demande de décollage immédiat. Le rapport fait référence à un précédent incident survenu à Strasbourg et enquêté par le BEA, celui relatif à la perte de séparation entre un Embraer ERJ145 au décollage et un Boeing 717-200 à l’atterrissage, ayant entraîné la déstabilisation de la trajectoire de ce dernier en très courte finale, en LVP. Plus récemment, le BEA a publié un rapport relatif à l’atterrissage d’un Boeing 737 sur une piste occupée par un Embraer ERJ175 au décollage dans un contexte similaire.