Hélicoptères - 2023
En 2023, le BEA a publié dix rapports relatifs à des accidents survenus lors de l'exploitation d'hélicoptères.
Les rapports publiés impliquent uniquement des hélicoptères monomoteur, quatre ont été détruits et quatre autres fortement endommagés. Les dix accidents ont eu lieu de jour, pour trois d'entre eux la prise en compte des conditions météorologiques a été un des éléments contributifs, un seul accident a pour origine une panne mécanique toutefois non expliquée.
- Trois événements mettent en exergue la faible prise en compte, voire la méconnaissance, des caractéristiques et des limites de performance des aéronefs à voilure tournante par certains pilotes privés.
- Six rapports abordent les risques que peuvent prendre les pilotes face aux possibilités d'évolution qu'offrent les hélicoptères lors de vols à proximité d'obstacles ou du relief.
- Un rapport traite de l'usage de drogue.
On dénombre pour l'ensemble de ces accidents un total de quatre personnes décédées, deux personnes blessées à bord et deux autres personnes blessées à l'extérieur de l'hélicoptère par une élingue ou une charge.
La France est un état constructeur majeur dans de nombreux domaines aéronautiques, aéronefs et moteurs en particulier. À ce titre, le BEA participe à de nombreuses enquêtes étrangères.
Dès lors chaque année en moyenne, le BEA est invité à nommer un représentant accrédité pour plus de 60 enquêtes conduites par des autorités étrangères sur des événements impliquant des hélicoptères. En moyenne, une quinzaine de ces enquêtes concernent des accidents mortels.
1.Méconnaissance des caractéristiques et des performances hélicoptères
En 2023, trois enquêtes montrent comme pour les années précédentes une méconnaissance ou une mauvaise prise en compte des phénomènes spécifiques aux voilures tournantes (en particulier le départ en lacet non anticipé). De surcroît, des accidents ont lieu en phase d'instruction.
L'accident survenu au F-HOLA le 12 mai 2022 à Aix-Les Milles (13) souligne un thème de sécurité déjà répertorié dans les bilans thématiques des années précédentes (2020, 2021 et 2022) : la perte de contrôle en lacet. Alors qu'il s'apprêtait à virer à gauche pour dégager la piste, l'élève pilote, seul à bord, a perdu le contrôle de l'hélicoptère qui a effectué deux ou trois tours complets sur lui-même à gauche autour de son axe de lacet. L'élève pilote a baissé ensuite la commande de pas général. L'hélicoptère a touché le sol et a rebondi avant de retomber durement à plat sur la piste. L'élève pilote ne se souvenait plus de quel côté il avait réellement appuyé sur les palonniers ni avec quelle amplitude, et n'excluait pas d'avoir appuyé sur le palonnier gauche.
L'élève pilote a insuffisamment pris en compte l'orientation du vent au retour du vol solo. Il a effectué une translation au-dessus de la piste avec une composante de vent de travers droit, alors qu'il en avait réalisé plusieurs en double-commande avec une composante de vent de travers gauche juste avant de partir pour ce vol solo.
L'accident survenu au F-HGRE le 18 février 2022 à Grenoble (38) avait eu lieu dans les mêmes circonstances et dans le même domaine de vol. Lors de la translation vers le poste de stationnement, avec un vent de travers droit, l'hélicoptère a commencé à tourner sur son axe de lacet vers la gauche. L'élève pilote a dans un premier temps appuyé sur le palonnier droit sans atteindre la butée et n'est pas parvenu à contrer le mouvement. La rotation en lacet à gauche a ensuite été amplifiée par l'action du pilote à tirer sur la commande de pas collectif pour s'écarter du sol, puis par l'appui sur le palonnier gauche du pilote probablement désorienté par le fort taux de lacet. Après plusieurs tours, l'hélicoptère est entré en collision avec un pylône puis est tombé verticalement jusqu'au sol.
Ces deux accidents montrent que la sensibilisation au départ en lacet est perfectible et peut être aussi en partie associée aux spécificités du fenestron et ses conséquences en termes de manœuvrabilité. Ils mettent en exergue combien sont exigeantes l'instruction dispensée et la maîtrise du pilotage de l'hélicoptère. Elles nécessitent des actions promptes et cohérentes avec la mécanique du vol comme prendre en compte qu'actionner la commande de pas général engendre automatiquement une réaction sur l'axe de lacet de l'hélicoptère.
L'état de vortex (VRS) est un phénomène connu des pilotes d'hélicoptères, mais lorsqu'il arrive près du sol il est généralement difficile, voire impossible à récupérer. Il est important que les pilotes gardent en permanence à l'esprit l'enveloppe de vol dans laquelle ils évoluent. Lors de l'accident survenu au F-HMFA le 30 mai 2022 à Borce (64), le pilote professionnel expérimenté a réalisé une approche à vitesse verticale de descente élevée par vent arrière. L'hélicoptère utilisé (Airbus AS350 B3e) est réputé disposer d'une marge de puissance importante lorsqu'il n'est pas exploité à la masse maximale. Ces qualités intrinsèques de l'hélicoptère peuvent amener des pilotes à une confiance excessive dans les performances de l'hélicoptère et dans sa capacité à se sortir de situations délicates.
Airbus a publié deux notices d'information expliquant les risques et la conduite à tenir en cas d'exposition au VRS : la technique classique de sortie du vortex décrite dans le document SIN N°3123-S-00 est complétée par celle de Vuichard décrite dans le document SIN N°3463-S-00). Airbus a également développé une formation interactive.
Ces accidents n'ont pas entraîné de conséquence corporelle.
2. Maîtrise d'un hélicoptère et de son environnement
Accidents au cours d'opérations de levage
L'hélicoptère est parfois le seul moyen adapté pour la dépose et la récupération de matériel dans des zones difficiles d'accès. Souvent les sites d'exploitation sont complexes et les pilotes sont parfois confrontés à décider seuls de l'exécution de la mission. Ils doivent composer avec les risques environnementaux, les conditions météorologiques du moment et leur propre expérience de vol et une pression commerciale latente. L'accident survenu au F-GJRP le 6 juillet 2022 au phare de la Vieille (29) illustre les contraintes auxquelles doivent faire face les équipages. La perte de contrôle momentanée de l'hélicoptère lors d'un vol de transport de charge sous élingue a engendré la blessure d'un agent au sol lors de la tentative d'accrochage d'une charge. La coordination insuffisante entre l'exploitant et le client pour établir le plan de prévention lors de la préparation de la mission, l'absence de coordination entre les personnels au sol et l'équipage, l'absence de concertation du pilote avec le RDOV et la prise en compte insuffisante des conditions météorologiques ont été des facteurs contributifs quant à la réalisation de la mission par le pilote.
La complexité de certaines opérations liées aux capacités de manœuvrabilité des hélicoptères peut engendrer des situations difficilement prévisibles. Lors de l'accident survenu au F-OMAB le 14 décembre 2022 à Ilet à Malheur (974), le pilote, accompagné d'un assistant de vol, devait déposer une charge sous une élingue de 15 m dans une fosse murée de forme rectangulaire. Après une reconnaissance rapide du site, les abords semblant sécurisés, le pilote s'est alors placé en stationnaire au-dessus de la fosse lorsque la charge a pivoté légèrement sur elle-même vers une personne qui est tombée du muret sans avoir été heurtée par la charge. Le pilote au moment de la dépose ne pouvait pas détecter cette personne qui ne participait pas aux manœuvres, elle n'était plus dans son champ de vision.
On dénombre pour les événements cités deux personnes gravement blessées au sol.
Événement résultant d'un atterrissage sur un sol peu propice
L'accident survenu au F-HOHE le 19 février 2022 à proximité des étangs de Valojoulx (24) montre également les capacités de manœuvrabilité qu'offre l'hélicoptère et les caractéristiques voire les dangers associés qui doivent être pris en compte (effet ventouse). Le pilote a indiqué qu'il a perçu des fluctuations du régime du moteur alors qu'il survolait à faible hauteur un bassin aquacole. Il a réalisé un atterrissage d'urgence sur une digue qu'il avait reconnue lors d'un vol d'instruction. L'hélicoptère est resté stable pendant une dizaine de secondes puis les patins se sont enfoncés et l'hélicoptère a glissé vers l'arrière. Le pilote a tenté de redécoller, mais le patin droit de l'hélicoptère est resté collé dans le sol meuble. Surpris, le pilote a agi excessivement sur la commande du pas collectif et a perdu le contrôle du R44. L'hélicoptère a basculé à droite et vers l'avant, a heurté la surface de l'eau puis s'est couché sur son côté droit.
L'accident survenu au F-HPTI le 3 avril 2021 à Saint-Georges-de-Reneins (69) montre également les caractéristiques inhérentes de la pratique de l'hélicoptère. Peu après le décollage, l'hélicoptère a subi des à-coups en lacet et un bruit de claquement est apparu. L'instructeur, estimant que la panne était mineure, a réalisé un demi-tour pour revenir sur l'aire utilisée pour le décollage. Lors de cette manœuvre, la puissance du moteur a diminué, possiblement à cause d'un défaut d'étanchéité d'un cylindre au niveau des soupapes. L'instructeur a alors décidé d'atterrir immédiatement, avec un vent arrière d'environ 15 kt. Lors de l'atterrissage glissé dans un champ meuble, parsemé de sillons et recouvert d'une bâche, l'hélicoptère a basculé vers l'avant puis sur le côté.
L'accident survenu au F-HBKY le 19 juillet 2023 à Rivière-Saas-et-Gourby (40) illustre la difficulté permanente de la maîtrise d'un aéronef complexe. Le commandant de bord, instructeur, était accompagné d'un autre pilote pour une séance d'entraînement à l'autorotation. Il a réalisé la reconnaissance de la bande en herbe qui allait être utilisée, ainsi que de l'environnement. Le second pilote a réalisé une première autorotation avec une reprise moteur au moment du «flare» (arrondi), puis deux autorotations complètes (moteur au ralenti) poursuivies jusqu'à l'atterrissage. Le commandant de bord a repris ensuite les commandes et a décollé en vue de réaliser lui aussi une autorotation complète. Lors du «flare» et de la reprise au pas général, la vitesse d'avancement et la vitesse verticale de l'hélicoptère étaient importantes. Le contact avec le sol à plat a été dur et l'hélicoptère a glissé sur l'herbe. Les pales du rotor principal ont heurté la poutre de queue. Toutes les conditions semblaient garantir la sécurité de l'exercice. Toutefois, les évolutions de l'hélicoptère proche du sol nécessitent l'acceptation en permanence du risque. Certains éléments, comme la qualité et le revêtement du sol, sont également à prendre en compte lors de l'atterrissage et nécessitent une adaptation permanente des paramètres de pilotage.
On dénombre pour les événements cités deux personnes blessées.
3. Collision avec le relief par conditions météorologiques défavorables au vol à vue
Les possibilités de manœuvrabilité de vol de l'hélicoptère ne doivent pas exonérer le pilote de respecter la règlementation en vigueur. Un pilote peut facilement ralentir sa vitesse d'avancement, voire s'arrêter et même reculer, et ce près des obstacles.
Lors de l'accident survenu au F-HARY le 6 janvier 2022 au Pas de la Croix (63), le pilote a entrepris le vol de navigation aller avec un instructeur en ayant consulté les observations et prévisions météorologiques plusieurs heures avant le décollage. Elles mentionnaient déjà une couche nuageuse à proximité d'un point de passage prévu, que l'équipage a rencontré et évité lors du vol aller. Au vol retour, le pilote n'a pas consulté les dernières informations météorologiques disponibles, il a suivi un autre hélicoptère à bord duquel il y avait l'instructeur du vol aller. Face à des nuages présents à proximité du relief, le pilote a volé à faible hauteur. Il est très probable que lors d'un virage, l'hélicoptère est entré dans la couche nuageuse, privant ainsi le pilote de références visuelles extérieures et le conduisant à une désorientation spatiale.
Au cours de l'accident survenu au 3A-MVT le 25 novembre 2022 à La Trinité (06), alors qu'il n'était pas qualifié pour le vol aux instruments et qu'il était peu formé à évoluer dans des conditions de vol sans visibilité, le pilote a réduit sa vitesse face à un danger météorologique (brume de mer), a poursuivi au cap, est entré dans les nuages et a perdu toutes les références visuelles extérieures. Il a alors perdu le contrôle de l'hélicoptère qui est entré en collision avec le sol.
Bien qu'expérimenté en vol VFR de jour, le pilote n'avait pas reçu un entraînement suffisant pour voler sans références visuelles et ne disposait pas de consignes claires en cas d'entrée par inadvertance dans ces conditions. Une formation régulière et basée sur des scénarios réalistes, comme celles réalisées par certains exploitants, peut offrir des outils de sauvegarde : monter à une altitude de sécurité prédéfinie, maintenir l'altitude, préafficher une puissance pour atteindre une vitesse refuge, effectuer un demi-tour contrôlé et/ou utiliser les aides à la radio navigation. Ce type de formation n'affranchit pas les pilotes du respect des règles de vol VFR et des conditions VMC, mais assure une meilleure préparation des pilotes aux situations de perte par inadvertance des références visuelles extérieures.
Par ailleurs, les simulateurs de vol sont une alternative intéressante pour la pratique d'une entrée par inadvertance dans la couche nuageuse.
On dénombre pour les événements cités quatre personnes décédées.
4. Conduite d'un vol sous l'emprise de drogues
L'enquête sur l'accident survenu au 3A-MVT a également révélé que le pilote avait entrepris le vol alors qu'il se trouvait sous l'influence de cocaïne et qu'il portait les traces de la consommation récente de CBD, THC et d'alcool.
Le profil du pilote était celui d'un usager caché installé dans l'usage transgressif répété de la cocaïne dans les mois précédant l'accident. La capacité de ces usagers à se soustraire aux contrôles fondés sur la détection de l'influence au moyen de tests de dépistage salivaire offrant un recul au mieux de quelques jours explique qu'ils puissent longtemps rester méconnus. La dégradation de leurs capacités contraste avec le maintien d'une haute estime de soi qui les empêche de prendre conscience de leurs véritables limites.
Dans son rapport, le BEA apporte des éléments de réflexion sur les possibles stratégies de prévention des risques liés à la consommation de produits psychoactifs par les équipages.
Rappel des thèmes des années précédentes
Thèmes hélicoptères 2022 :
- Méconnaissance des caractéristiques et performances des hélicoptères
- Risques associés au vol à proximité d'obstacles ou du relief
- Faiblesses organisationnelles
Thèmes hélicoptères 2021 :
- Perte de contrôle en vol
- Turbulence de sillage générée par un hélicoptère
- Quasi-collision avec un drone
Thèmes hélicoptères 2020 :
- Suivi médical des personnels navigants
- Perte de contrôle