Accident survenu au Sportine Aviacija Lak17 immatriculé F-CHNF le 08/12/2022 à Salon-Eyguières (13)
Décrochage intempestif du câble en remorqué en conditions turbulentes, atterrissage dur avant la piste
Note : Les informations suivantes sont principalement issues des témoignages. Ces informations n'ont pas fait l'objet d'une validation indépendante par le BEA.
1. Déroulement du vol
Le pilote décolle en remorqué de la piste 33, avec les volets rentrés et le trim réglé légèrement à piquer. C’est le second pilote à décoller en remorqué. Le premier a annoncé à la radio des turbulences fortes, voire sévères, en vent traversier pendant la montée. Le vent (Mistral), de secteur nord-nord-ouest pour 25 kt[1], souffle en rafales et les Alpilles, situées au nord de l’aérodrome, génèrent de fortes turbulences dans les basses couches. Après le bout de piste, le remorqueur vire à gauche vers l’ouest en branche vent traversier. À une hauteur d’environ 165 m pendant la montée, une forte turbulence déstabilise le planeur. Le câble de remorquage se détend et se décroche du crochet du planeur.
Le pilote du remorqueur vire à gauche en vent arrière main gauche pour atterrir en piste 33. Le pilote du planeur annonce à la radio qu’il effectue un contre-QFU pour la piste 15. Il vire à gauche au cap 140° et rejoint l’étape de base main droite. À la sortie du virage pour se positionner en finale, il se trouve à environ 150 m de hauteur et 2 100 m de distance du seuil. Le planeur perd ensuite rapidement de la hauteur. Le pilote sort les volets +2. Il atterrit durement avec le train sorti sur un chemin couvert de cailloux, environ 25 m avant le seuil de la piste 15. Le planeur effectue un cheval de bois durant lequel la partie arrière du fuselage se rompt et le train d’atterrissage s’enfonce. Le planeur s’immobilise cinq mètres avant la piste.
2. Renseignements complémentaires
2.1. Expérience du pilote
Le pilote, âgé de 78 ans, est propriétaire du planeur depuis trois ans. Il est titulaire d’une licence de pilote de planeur (SPL) depuis 2003. Il indique totaliser 2 200 h en planeur dont 700 sur LAK17 et 46 dans les trois mois précédents. Il ajoute qu’il vole à Eyguières depuis 1989[2] et qu’il a effectué plusieurs centaines d’heures de vol en planeur ces dernières années.
2.2. Renseignements sur le planeur
Selon le manuel de vol constructeur, la finesse du LAK17A est égale à 48. Il dispose de volets à cinq positions qui peuvent être réglés en fonction de la vitesse sur : « L » (Landing), +2, +1, 0 et -1. Avec les volets +2, la finesse diminue à 42.
Pour l’approche et l’atterrissage, il y est recommandé de positionner les volets sur « L », et par vent faible et lorsque les ballasts sont vides, la vitesse optimale d’approche (VOA) est d’environ 90 km/h. Des vents plus forts requièrent une vitesse plus élevée. Il est indiqué de ne pas effecteur une approche à une vitesse trop faible avec les aérofreins complètement sortis, sinon le planeur peut plonger pendant l’arrondi.
Selon le manuel de vol du constructeur, deux crochets de remorquage peuvent être présents sur le LAK17. Un premier situé près du train d'atterrissage principal utilisé uniquement pour décoller au treuil ou en remorquage automatique ; et/ou un second situé devant le cockpit au niveau de la cloison et utilisé uniquement pour le remorquage par avion. Le pilote indique que son planeur est doté d’un seul crochet situé en avant du train d’atterrissage et qu’il est doté d’une sécurité arrière[3].
2.3. Témoignages
Selon les témoins arrivés sur place très peu de temps après l’accident, les aérofreins étaient rentrés et verrouillés. Dans les minutes qui ont suivi l’accident, le pilote leur a indiqué avoir déverrouillé et sorti légèrement les aérofreins pendant le remorquage pour retendre le câble et tenir sa place derrière le remorqueur.
L’assistant de piste, qui a accroché le câble remorquage sur le crochet du planeur, indique avoir procédé au test de celui-ci et que tout était normal.
Le pilote-remorqueur (instructeur planeur et responsable de l’activité ce jour-là) explique que la masse d’air était laminaire à partir de 600 m de hauteur avec une vitesse verticale de +7 à +8 m/s mais que vers 300 m, il y avait des turbulences sous-ondulatoires. Après l‘accident, il a vérifié le câble et le crochet et n’a constaté aucune anomalie.
Le pilote indique que la prise d’informations météorologiques a été laissée à l’appréciation des deux seuls pilotes (lui inclus) qui voulaient décoller ce jour-là. Il a consulté le site https://meteo-parapente.com et celui de Météo-France qui annonçaient un vent assez fort. Il explique être habitué à des conditions aérologiques perturbées mais avoir été surpris par l’intensité des turbulences rencontrées.
Selon lui, pendant le demi-tour après le décrochage du câble, le taux de descente du planeur était normal. Puis le planeur a brusquement perdu de la hauteur en finale, alors que le vent le poussait. Il était stressé et s’est focalisé sur le variomètre qui indiquait – 5 m/s (butée) et n’arrêtait pas de retentir[4]. Il ne se souvient pas avoir vérifié visuellement la position des aérofreins. Il n’avait qu’une idée en tête : « revenir au terrain en voyant les arbres qui montaient ». Il n’exclut pas la possibilité que la vitesse ait pu être un peu faible sur la fin, car en voyant les arbres monter devant lui, il a peut-être certainement soutenu le planeur pour les passer. Il n’a plus regardé les indications de l’anémomètre mais pense avoir atterri à 130 km/h. Il ajoute enfin avoir vérifié la position des aérofreins après l’accident qui étaient, selon-lui, rentrés et verrouillés.
2.4. Correction de l’étagement et largage intempestif du câble, en vol remorqué
Le Manuel du pilote vol à voile[5] explique que si le câble se détend, il faut aider à sa tension en sortant très brièvement les aérofreins.
En cas de décrochage ou casse du câble pendant le remorquage, la décision à prendre est étroitement liée à la topographie de l’aérodrome et de ses environs immédiats et est fonction de la hauteur à laquelle arrive l’incident.
- S’il survient peu après le décollage mais qu’il reste suffisamment de piste disponible, atterrir le plus rapidement possible et freiner.
- S’il survient à une hauteur supérieure à 80 m et si le vent le permet, maintenir la VOA et effectuer un virage de 180°, suivi d’un atterrissage à contre-piste.
- S’il survient alors qu’il n’est plus possible de rejoindre la piste et que le planeur est trop bas pour tenter un demi-tour, il convient alors d’effectuer un atterrissage forcé dans un champ.
Il est recommandé de connaître les champs contigus à l’aérodrome et d’avoir prévu, au moins une fois, une manœuvre destinée à un éventuel atterrissage sur l’un d’eux.
2.5. Mesures prises par le club de vol à voile
Un rappel à l’attention des pilotes a été effectué sur la procédure à suivre en cas de décrochage ou casse du câble pendant le remorquage (conformément aux préconisations du Manuel du pilote vol à voile).
Avril 2023
[1] Le chef-pilote indique que la limite de vent maximum admise par le club pour l’activité vol à voile est fixée à 30 kt. Elle varie néanmoins selon l’expérience des pilotes et l’intensité des rafales.
[2] Il indique par ailleurs être titulaire d’un brevet de pilote d’ULM pendulaire et multiaxes depuis 1991.
[3] Dispositif permettant un largage automatique du câble.
[4] Le signal sonore modulé émis par le variomètre varie selon que le planeur monte ou descend.
[5] 14ème éd., Éditions Cépaduès.