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Perte de contrôle, rupture en vol

Perte de contrôle, rupture en vol

Autorité en charge

France - BEA

Progression de l'enquête Cloturée
Progress: 100%

CIRCONSTANCES

Le pilote, propriétaire de l'avion, effectue un vol VFR sans plan de vol au départ de l'aérodrome de Cassagnes (12) à destination de l'aérodrome de Nangis (77). Il a déjà effectué ce trajet.

Les enregistrements radar et radio indiquent que le pilote décolle vers 15 h 10. A 16 h 01, il annonce au contrôleur du SIV de Limoges qu'il « passe à 6 000 pieds QNH […], au-dessus de la couche ». L'avion se situe alors à environ 25 NM au nord de la ville de Brive-la-Gaillarde (19), et fait route vers le nord. A 16 h 29, l'avion est à environ 35 NM au nord-est de la ville de Limoges, au FL 95 environ, toujours en route vers le nord. Le pilote annonce au contrôleur qu'il est au-dessus de la couche et qu'il « n'y a pas beaucoup de trous ». Il lui demande les conditions météorologiques à Châteauroux (36) afin de savoir s'il pourra descendre. Le contrôleur lui transmet les informations. Le collationnement du pilote est inaudible. Le pilote ne répond plus aux appels du contrôleur. Le contact radar est perdu à 16 h 30. Un témoin voit l'avion sortir de la couche nuageuse en piqué vers le sol. Il entend le bruit du moteur.

L'exploitation des données issues du récepteur GNSS portable du pilote indique que :

- les segments de trajectoire en ligne droite sont parfaitement rectilignes, indiquant probablement une utilisation du pilote automatique, jusqu'au point l de la trajectoire ci-après ;

- entre les points k?et l, l'altitude augmente progressivement du FL 93 au FL 97 en une minute environ. Dans cette période, la vitesse sol diminue jusqu'à un minimum de 70 kt(1), ce qui correspond à une vitesse indiquée de l'ordre de 60 kt, compte-tenu des conditions du jour ;

- à partir du point l, la trajectoire vire à droite vers une route orientée à 150°. La première partie du virage, de grand rayon, à altitude constante, peut indiquer une tentative de demi-tour. Au cours de ce virage l'altitude diminue brutalement jusqu'à un minimum de 8 300 ft (point?m). A ce point, la vitesse sol calculée atteint un maximum de 172 kt(2) ;

- à partir du point m, l'altitude augmente à nouveau jusqu'à un maximum de 9 010 ft, indiquant que l'avion est contrôlé, puis évolue entre 8 400 et 9 000 ft, tandis que la route s'oriente au sud puis au sud-est. La vitesse sol évolue entre 70 et 132 kt ;

- au point o, la trajectoire devient un piqué prononcé jusqu'au sol.

Au sol, la partie supérieure de la dérive, attachée à la gouverne de profondeur, est retrouvée à environ 500 m de l'épave principale. De nombreux objets provenant de la cabine sont dispersés sur une zone étendue. Des éléments de la verrière sont retrouvés à environ 1 300 m en amont de l'épave principale, selon le sens de la trajectoire (à proximité du point n).

Cette répartition des débris et leur examen indiquent qu'il y a eu rupture en vol. La séquence probable est la suivante :

- endommagement de la verrière au cours des mouvements brutaux, vraisembla-blement par heurt de la tête du pilote ou d'objets libres dans la cabine ;

heurts du bord d'attaque de la dérive par un ou des objets provenant de l'avion, provoquant une perte de rigidité de celle-ci, puis des vibrations conduisant

- à une déchirure progressive depuis le point d'impact ;

- rupture de la dérive entraînant la séparation de sa partie supérieure et de la gouverne de profondeur, du reste de la cellule.

Les examens effectués sur les débris de la dérive ne montrent pas d'anomalie antérieure à cette séquence, tant sur sa structure que sur la commande de profondeur. L'examen des chariots commandant la fonction hypersustentation des flaperons indique que la configuration de l'avion était symétrique et lisse, à l'impact.

Les conditions météorologiques montrent que la région de l'accident était traversée par une bande instable et épaisse de cumulus congestus et de stratocumulus, générant des précipitations. Elle se déplaçait vers le sud-est et comprenait une cellule active arrivant au nord de Fresselines à l'heure de l'accident. L'altitude estimée du sommet des cumulus était entre les FL 110 et 120. Celle de l'isotherme 0 °C était au FL 90, indiquant de possibles conditions givrantes dans les nuages au-dessus de ce niveau. Le vent prévu à 17 h 00 au FL 100 était d'ouest à 20 kt, d'ouest à 15 kt au FL 50. Le vent estimé au sol au moment de l'accident était du nord-ouest à 10 kt.

L'enquête n'a pas permis de connaître les informations météorologiques en possession du pilote lors de la préparation de son vol. La carte TEMSI France, valide à 14 h 00, mentionnait des conditions similaires à celles effectivement observées à Fresselines au moment de l'accident. Les TAF de Limoges, Chateauroux et Orléans, disponibles vers 13 h 00, prévoyaient de la pluie ou des averses, associées à une nébulosité éparse à morcelée.

Le pilote, âgé de 65 ans, était titulaire d'une licence de pilote privé et d'une qualification SEP. Il ne détenait pas de qualification de vol aux instruments. Il totalisait plus de 730 heures de vol, dont plus de 670 sur type. Il résidait en région parisienne et devait participer à un événement familial prévu le lendemain du jour de l'accident.

CONCLUSION

L'accident est probablement dû à une prise en compte insuffisante des conditions météorologiques lors de la préparation du vol puis pendant celui-ci. Assisté par le pilote automatique et son récepteur GNSS, le pilote a continué son vol au-dessus de la couche de nuages, dans des conditions de vol à vue devenant marginales, voire inexistantes, jusqu'à ce qu'il perçoive l'impossibilité de poursuivre son vol. Il a alors probablement tenté d'effectuer un demi-tour au cours duquel une perte de contrôle est survenue.

Cette première perte de contrôle a été récupérée par le pilote, dans la couche nuageuse. A cours de ces mouvements, la verrière a été endommagée et des éléments de celle-ci et/ou des équipements en cabine sont venus percuter la dérive, la fragilisant. Cette dernière a cédé peu après, rendant l'avion définitivement incontrôlable.

Le BEA a publié deux études sur ce type d'accident, disponibles sur son site internet :

« Objectif destination » (www.bea.aero/etudes/objectifdestination/objectifdestination.pdf)

« Etude sur les événements GPS » (www.bea.aero/etudes/etudegps/etudegps.pdf).

 

(1)Le plafond indiqué par le constructeur est supérieur au FL 195. La vitesse indiquée de décrochage en lisse est de 64 kt à la masse maximale.

(2)La VNE est de 173 kt. A ce point, la vitesse sol calculée et la VNE ne sont pas directement comparables (situation dynamique, vent, pente…). Cependant, elles sont du même ordre de grandeur indiquant que l'avion évoluait à une vitesse indiquée proche de la VNE.